LE MARTYRE DE VASSIEUX-EN-VERCORS

13 Juillet 1944 - Mort de "PAYOT"

Le matin de ce 13 Juillet, il ne se passe rien d'extraordinaire. "PARE-CHOCS" et "CALVA" continuent d'améliorer le trou de la mitrailleuse légère avec "FEND-LA-BISE". Ils y travaillent encore vers 19 heures, lorsqu'ils voient surgir deux bombardiers Allemands venant du col SAINT-ALEXIS. En réalité, ils ont dû passer au-dessus du col de VASSIEUX. Sans grande conviction, ils tirent dessus au fusil, regrettant amèrement que la mitrailleuse ne soit pas encore installée. Nous ne l'avons pas encore déplacée. Elle est restée à son ancien emplacement. Au premier passage, les bombardiers lâchent chacun une bombe. L'une file dans la direction des POUYETTES, l'autre tombe en direction de la poste. Les deux avions font un tour puis reviennent dans le même axe pour repasser au-dessus de nos têtes. A nouveau, nous tirons dessus pour la forme, tout en sachant que ce serait une chance extraordinaire de toucher un des pilotes ou un organe essentiel des appareils. Ils lâchent un chapelet de quatre bombes par avion. L'une d'elles tombe dans le village non loin de l'église, les autres filent à nouveau, en direction des POUYETTES. Nous supposons que le premier passage et le lâchage des deux premières bombes était un essai des pilotes pour prendre leurs repères et nous nous faisons la réflexion : Il doit y avoir un appel d'air qui les fait dévier. Est-ce pour cela qu'ils ont fait un premier réglage ! ?

Voyant que les avions Allemands s'en vont, nous nous précipitons au village tous les trois, voir si on a besoin de notre aide. Il y a déjà beaucoup de monde sur les lieux.

"TRENTE-SIX", la voix angoissée nous apprend que "PAYOT" est salement touché. Tout en se précipitant, "CALVA" crie à la cantonade :

"Vite, tachez de trouver un camion !"

En même temps, il apprends qu'il y a des morts civils, trois en tout : Monsieur Marcel JOURDAN, 37 ans; monsieur Marcel BARNERIE, 29 ans et madame Louis BOUILLANE, 52 ans. Il demande avec fermeté qu'on lui apporte vite des matelas pour coucher les blessés graves, le seul véhicule que nous ayons sous la main est un camion à ridelles basses. Nous y installons les matelas, déposons nos deux blessés graves : monsieur Raymond REVOL, 30 ans, dont la cuisse gauche est presque sectionnée et qui à derrière la tête une profonde plaie ainsi que notre chef "PAYOT", 24 ans, qui, curieusement, a la même blessure que monsieur REVOL. Il a aussi la cuisse gauche presque sectionnée; mais lui, en plus, a le dos criblé par de gros éclats. Monsieur REVOL, en état de choc, est inconscient. Nous leur avons fait à tous les deux un garrot avec des lacets de chaussures de montagne. Nous embarquons également une dizaine de civils qui, heureusement, sont bien moins atteints. Parmi eux, il y a une jeune fille, mademoiselle Fernande FERLIN.

Dans la précipitation, en sautant dans le camion, "CALVA" a l'étui de son colt qui se découd. Il détache son ceinturon et le tend avec son colt à "TRENTE-SIX", lui disant :

"Prends tout cela, je n'en ai pas besoin !"

A cet instant précis, un avion de chasse Allemand fonce sur nous. Le chauffeur du camion, pris de panique, veut s'en aller. "CALVA" est obligé de le menacer de le descendre oubliant complètement qu'il est sans arme. Par la suite, il se demande pourquoi il a eu cette réaction, à quoi cela aurait-il servi, il n'a pas d'autre chauffeur et, lui même, ne sait pas conduire.

Le bruit du moteur couvrant sa voix, il est obligé de gueuler :

"Nous aussi, nous risquons de nous faire tuer, et les blessés, tu y penses ?
Tu pars immédiatement direction SAINT-MARTIN. Si je vois un avion Allemand, je tambourine avec mes poings sur la cabine... (et il joint l'exemple à la parole).
Tu tâches de trouver un endroit pour t'arrêter et nous planquer le plus vite possible, sous un arbre par exemple."

Le gars démarre et fonce le plus vite qu'il peut. Avant LA CHAPELLE c'est peu boisé, nous échappons au mitraillage par deux fois. A notre grand soulagement, après cela ira mieux.

Nos blessés souffrent terriblement. Dire qu'il a une quantité de morphine dans sa caisse au cantonnement et pas une ici ! Où elles seraient si nécessaires pour soulager leurs souffrances ! Malgré la douleur (ou peut être à cause d'elle) "PAYOT" a toujours sa connaissance. A un moment donné, il murmure :

""CALVADOS", achèves-moi !!"

Dans un souffle à peine audible. Comme "CALVA" ne lui répond pas, il répète suppliant :

""CALVADOS", achèves-moi !!"

Infiniment triste, "CALVA" ne peut que lui répondre une phrase mécanique de tous les jours :

"Oui ! mon Lieutenant ! !"

Evidemment, il n'en est pas question. Sans arme, il le voudrait qu'il n'en aurait pas les moyens d'ailleurs. Il harcèle le chauffeur pour qu'il aille plus vite. Il prend des risques incroyables. ll rattrape très largement sa petite défaillance du départ. Vu son courage, il aura bien mérité d'être remercié, mais encore aujourd'hui son nom reste inconnu.

Aux BARRAQUES-EN-VERCORS, "CALVA" rencontre une ambulance et fait stopper tout le monde :

"Où allez-vous ?"

"A VASSIEUX, il paraît qu'il y a des blessés !!"

"Je ramène tous les blessés, passez devant et allez prévenir que nous arrivons avec deux blessés très graves ! Qu'ils se préparent à intervenir immédiatement !"

Parmi les personnes de l'ambulance, il y a Jean GANIMEDE, le fils du médecin-chef de l'hôpital. Si prés du but, inutile d'effectuer un transbordement du camion à l'ambulance. Nous n'aurions pas gagné de temps et fait endurer des souffrances supplémentaires à nos blessés. Nos deux blessés graves sont en complet état de choc. Nos blessés légers sont admirables; pas une seule plainte, pas de murmure et pourtant, certains sont sûrement assez atteints.

Nous arrivons enfin à l'hôpital. Mon Dieu ! Que le parcours nous a paru long ! Bien qu'il n'y ait même pas 20 kilomètres ! Et que dire pour les blessés ?!?!

Aussitôt, ceux-ci sont pris en charge par le personnel hospitalier dont tout le monde s'accorde à reconnaître le dévouement extraordinaire. "CALVA" attend dans une salle d'attente depuis prés d'un quart d'heure lorsqu'on vient lui annoncer que "PAYOT" est mort. D'un seul coup, tout s'effondre, ses nerfs lâchent, il flanche et se met à chialer comme un gosse. Il pleure la mort d'un ami. Des personnes tentent de le consoler mais il faudra de longs instants avant qu'il arrive à se maîtriser. Perdre un frère respecté et aimé, c'est affreusement lourd à porter.

Il fait nuit maintenant et il repart pour VASSIEUX. Il entend une moto : c'est "FILOCHARD" qui le rejoint. Il lui fait de grands gestes pour qu'il s'arrête et le met au courant, lui demandant d'avertir le Capitaine "HARDY" et le C12. "FILOCHARD" lui raconte qu'il avait été envoyé à SAINT-MARTIN par "HARDY" avec mission de prévenir l'hôpital au passage. C'est pourquoi il a rencontré l'ambulance aux BARRAQUES. Il aurait dû s'en douter qu'il n'était pas seul à penser aux blessés. Hélas, le second blessé grave, monsieur REVOL, décédera le jour suivant, malgré les soins diligents qui lui seront apportés.

Décrire la tristesse et le désarroi qui règnent au C12 à son retour est presque impossible. "PAYOT" était tellement estimé que tous, nous sommes effondrés. "HARDY", son meilleur ami, décide de prendre le C12 sous son commandement direct.

Une heure après le départ des blessés pour l'hôpital de SAINT-MARTIN, les avions Allemands sont revenus à nouveau bombarder VASSIEUX et lâcher encore d'avantage de bombes que la première fois. Fort heureusement, la plupart des bombes tombent à côté, personne n'est touché.

Lors du premier bombardement de réglage de 19 heures, il est incontestable que les aviateurs ennemis cherchaient à atteindre la poste qui abritait un pilier de la Résistance en la personne de madame FAURE et surtout hébergeait le PC de "PAYOT", centre nerveux des liaisons téléphoniques du C12. Après le lâcher de la première bombe qui a raté son objectif, d'après "TRENTE-SIX", qui nous raconte en détail ce qu'il a vu, "PAYOT" et REVOL foncent aussitôt vers les POUYETTES pour essayer de se mettre à l'abri. C'est la deuxième bombe du second bombardier, qui hélas tombant entre la boulangerie BOUILLANTE et la maison de monsieur JOURDAN, tue sur le coup madame BOUILLANTE et blesse son mari et son fils (qui feront partie des blessés emmenés à SAINT-MARTIN). "PAYOT" et REVOL eux, sont fauchés par les éclats en essayant de fuir.

Dans la soirée, un messager arrive au P.C. de "HARDY", porteur d'un ordre général de "HERVIEUX", chef du VERCORS, destiné aux unités qu'il commande. Il a été autorisé par ALGER, de reconstituer des unités traditionnelles. Voici le texte de cet ordre :

"Depuis deux ans les drapeaux, les étendards, les fanions de nos régiments et de nos bataillons sont en sommeil. Maintenant la France s'est, dans un élan magnifique, redressée contre l'envahisseur. La vieille armée française qui s'est illustrée au cours des siècles sur tous les champs de bataille du monde va reprendre sa place dans la nation.
Sur le plateau du VERCORS où nos maquis et nos sédentaires luttent avec une énergie farouche depuis des mois, peu à peu les unités prennent corps. Le chef d'escadron "HERVIEUX", commandant le VERCORS décide qu'à dater de ce jour les unités placées sous ses ordres reprennent les traditions militaires des corps de troupe de la région et leurs écussons chargés de gloire.

En conséquence elles auront la composition suivante :

6ème bataillon de chasseurs Alpins :
Bataillon de GRENOBLE, sous les ordres du Commandant DURIEU formé par les anciens camps d'AUTRANS, le camp de Chasseurs, la Compagnie de GRENOBLE, les anciens Corps Francs du VERCORS;

12ème bataillon de chasseurs Alpins :
Vieux bataillon du Dauphiné, formé par les unités stationnées actuellement à la Balme de Rencurel (volontaires de ROMANS et de la région nord du plateau);

14ème bataillon de chasseurs Alpins :
Autre vieux bataillon Dauphinois, sous les ordres du Capitaine FAYARD, formé à ROYAN;

Groupe d'escadrons du 11ème Régiment de Cuirassiers :
Régiment de LYON, sous les ordres du Commandant THIVOLLET formé par les vieux maquis du VERCORS; "

Section Franche de Tirailleurs africains :
Sous les ordres du Lieutenant MOINE;

1ère Compagnie du 4ème Régiment de Génie :
Régiment de GRENOBLE, sous les ordres du Capitaine GERIN;

1er Groupe du 2ème Régiment d'Artillerie :
Régiment de GRENOBLE, unité en voie de constitution. La section de commandement de l'Etat Major sera rattachée au 6ème B.C.A. Les chefs de bataillon, chefs d'escadrons, et autres commandants d'unités se conformeront strictement pour l'organisation de leurs formations aux tableaux d'effectifs fournis par l'Etat Major. Le recrutement des volontaires sera poursuivi avec ardeur et l'instruction poussée avec zèle.

Vive le Dauphiné,
Vive l'Armée Française,
Vive la France.
Signé: "HERVIEUX"

A la suite de cet ordre général, le Commandant THIVOLLET, chef du 11ème Régiment de Cuirassiers reconstitué, nous fait savoir que sont sous ses ordres :

1er Escadron : ..............Capitaine BOURGEOIS...(1er C.F. et C13)
2ème Escadron : ..........Capitaine HARDY ...........(C12, C15 et C18 )
3ème Escadron : ..........Capitaine GRANGE.........(C11 et ses pelotons)
4ème Escadron : ..........Capitaine BAGNAUD.......(C16 et C17)
et d'autres Escadrons commandés par BOUCHIER, CHASTENET de GERY et "JACQUES" (Docteur Jacques SAMUEL)

En outre, la mobilisation générale est décrétée ce jour dans toutes les communes du VERCORS pour les classes 40 à 44. Cet ordre ne sera que partiellement appliqué.

14 Juillet 1944

Le soir du 13 Juillet "BOB" (BENNES) et son équipe du hameau de LA BRITIERE entre SAINT-AGNANT et ROUSSET, arrivent à VASSIEUX pour réceptionner comme d'habitude, un parachutage exécuté par dix appareils alliés.

Le 14 Juillet - 7 heures

Malgré un épais brouillard qui rampe sur le plateau de VASSIEUX, l'équipe radio de guidage, prépare un second parachutage qui doit être exécuté en plein jour.

Tôt le matin, l'organisation se met en place activement pour le réceptionner ce—parachutage. Une compagnie de chasseurs arrive en camions prêter main forte à la garde habituelle et aider à l'enlèvement des containers et des parachutes. Les camions serviront au transport des containers.

Le 14 Juillet - 9 heures

Le brouillard se dissipe petit à petit faisant place au soleil. Les feux de balisage qui signalent le terrain d'atterrissage "TAILLE-CRAYON" sont allumés.

Après la mort de "PAYOT", le C12 est toujours sous le choc et nous ne sommes pas de service. Cependant, lorsque, depuis un bon moment nous entendons un bruit sourd continu qui va en s'amplifiant, la plupart d'entre nous se retrouvent dehors à regarder le ciel. Le bruit s'amplifie toujours et de plus en plus, jusqu'à devenir énorme. Il est d'autant plus colossal qu'il est réfléchi et répercuté en écho par les montagnes environnantes. Qu'est-ce que cela peut être ? des avions ?... Il doit y en avoir un "paquet" !! C'est sûrement les Alliés ! Est-ce les commandos annoncés ?? Ce serait formidable !! Il faudra vite déchanter, malgré l'importance du matériel reçu, nous sommes déçus. Mais pour l'instant, jamais VASSIEUX n'a vu autant d'avions en une seule fois.

Venant de la direction de VALENCE, dans un bruit assourdissant, plus de cent avions passent au-dessus de VASSIEUX en se présentant assez haut. Les Forteresses Volantes, par vagues successives de douze appareils, encadrées par des chasseurs tels des chiens contrôlant leur troupeau, défilent au-dessus de nos têtes. C'est très impressionnant ! La surprise est grande car nous ne sommes pas au courant de ce qui a été prévu. En voyant disparaître cette armada volante, nous pensons que ce ne doit pas être pour nous. Le bruit s'estompe progressivement sans toutefois s'éteindre complètement; puis, il s'amplifie à nouveau. Des Maquisards crient :

"Les voilà, ils reviennent !!"

En effet, ils font un nouveau passage sur nos têtes, cette fois-ci, beaucoup plus bas. Le bruit devient insupportable, le vacarme est tel qu'on n'entend plus rien d'autre. Dans cet enfer de bruits, apparaissent bientôt des centaines de corolles de parachutes. L'opération de parachutage a commencé, du haut du terrain "TAILLE-CRAYON" jusqu'à l'horizon vers LA CHAPELLE. Le spectacle est grandiose ! Féerique! Des parachutes de toutes les couleurs se détachent sur le fond d'un ciel très pur. De quoi faire exploser nos cœurs de joie !!

Les avions tournent au-dessus de nos têtes, pendant que les autres effectuent leur mission de parachutage; 72 Forteresses larguent, paraît-il 1200 containers. Puis, progressivement, les Forteresses Volantes se rassemblent et s'éloignent toutes groupées, avec leur groupe de chasse en protection, pour rejoindre leur base de départ.

Malgré la peine et la tristesse qui étreint notre cœur, le C12 exulte et tout le monde pensent : Cette fois-ci, ce doit être la bonne ! Ils ont parachuté le matériel…Les hommes ne vont pas tarder à suivre !! C'est la logique même !

Bien évidemment, un tel déballage de force aérienne n'est pas passé inaperçu. Il n'y a pas que nous qui avons vu arriver les avions. Les Boches inquiets, ont vite réalisé que l'objectif était le VERCORS. A peine les appareils Alliés ont-ils disparu de notre ciel, que deux chasseurs ennemis se précipitent en piquée et mitraillent le terrain, faisant plusieurs victimes. Il faut dire que nous nous étions empressés dés la fin du parachutage d'investir le terrain avec nos camions pour enlever les containers.

Dans ce tumulte, en pleine action, "ROBY" signale à "CALVA" qu'un gars est gravement touché. Il a le bras déchiqueté comme des doigts. Ce n'est pas la peine qu'il y aille, car il a déjà reçu des soins. Il s'agit du tireur au F.M. Robert KLIPPFELD qui, immédiatement évacué, meurt à l'hôpital de SAINT-MARTIN.

Les Allemands ont crû sans doute au parachutage d'un commando très important d'hommes, d'où leur rapide intervention. Lorsqu'ils constatent qu'il ne s'agit en fait que de matériel, ils repartent rapidement à la base de CHABEUIL qui est très proche du VERCORS. Cette fois, ils nous lâchent une multitude de grenades à fragmentation qui explosent en chapelets, font des trous comme des assiettes et projettent des éclats dans tous les sens.

Sur le terrain, les équipes de ramassage se sont mises à l'abri comme elle ont pu, hormis les combattants affectés à la défense anti-aérienne.

Les F.M. en batterie tirent sans discontinuer, mais pourquoi faire ? les avions ennemis sont vite repartis et il est très difficile de toucher un avion en l'air. Pourquoi les Alliés n'ont-ils pas bombardé les aérodromes voisins d'AIX, de CHABEUIL et de BRON, lorsqu'ils sont venus pour effectuer le parachutage sur VASSIEUX avec une partie de leurs bombardiers ?? Depuis le temps qu'on le demande !

Dans notre cantonnement, nous ne sommes pas à l'abri d'un mauvais coup. Il est placé dans l'axe et en tête du terrain d'atterrissage. Aussi, à l'occasion d'une relative accalmie, nous décidons de déménager en direction des CHAPOTIERS.

Au cours d'une liaison moto, "MIMILE" nous apprend qu'un des avions alliés a été abattu lors de son retour par la Flack Allemande. Plus tard, nous saurons que l'équipage de deux hommes a été récupéré par la Résistance. Un avion ennemi a été lui aussi abattu, son pilote fait prisonnier par les Maquisards à CHATEAUNEUF-DE-GALAURE est conduit au camp de prisonniers de LA -CHAPELLE-EN-VERCORS.

Douze containers sont tombés prés de FONT-PAYANNE. Ils sont récupérés par le C11: dix grands qui contenaient des fusils et deux de trois compartiments assemblés contenant des munitions. La chasse Allemande, plus efficace que nombreuse a attaqué une des dernières Forteresses Volantes avant de venir nous mitrailler, l'obligeant à se débarrasser prématurément de sa cargaison.

Jusqu'à midi de ce 14 Juillet très spécial, l'aviation Allemande passe et repasse sur notre terrain en mitraillant, tirant au canon sur tout ce qui bouge remontant en rase-mottes les routes de LA CHAPELLE et du COL SAINT-ALEXIS.

Le 14 Juillet - Midi

La riposte au sol est intense. Finalement, vers midi, une légère accalmie se produit. Malheureusement, très brève car dés le début de l'après-midi, en plus de la chasse Allemande, des bombardiers attaquent et endommagent gravement VASSIEUX en lâchant sur le village de petites bombes incendiaires. Voyant cela, "CALVA" qui se trouve sur le terrain, abandonne le travail pour se précipiter à VASSIEUX afin d'apporté son aide. Déjà toute la partie sud du village est en feu. Les bombes incendiaires ont trouvé des matériaux très inflammables dans les greniers remplis de foin ou de paille. C'est une véritable fournaise et le brasier est impossible à approcher. Dans les étables en feu, toutes les bêtes attachées meurent brûlées vives sans que nous puissions intervenir. Nous sommes réellement impuissants, ne pouvant pas pénétrer dans les étables.

Dés le premier passage de la Luftwaffe, les habitants quittent précipitamment leurs habitations, sans rien emporté. Ils fuient vers la campagne, puis vers les bois.

A chaque passage des bombardiers, de nouvelles maisons s'embrasent. Maintenant, c'est l'église qui brûle. Dans les maisons encore intactes, des civils sont restés, apeurés. "CALVA" essaie de les tranquilliser. Il leur explique que tant qu'il ne s'agit que de petites bombes incendiaires, ils ne risquent pas grand-chose physiquement, hormis des brandons enflammés qui peuvent tomber des toits, la chute d'un mur ou d'une toiture. Comment leur faire comprendre que seule leur vie a de l'importance ? Qu'un jour, quand la France sera enfin libérée, toutes les maisons seront reconstruites, ce qui ne saurait plus tarder maintenant. L'essentiel pour l'instant, c'est de sauver sa peau. Il leur conseille de se préparer au départ (même si celui-ci ne devait pas avoir lieu) de prendre leurs papiers, leur argent, leurs affaires personnelles indispensables, de s'occuper de leurs bêtes, de les mettre rapidement en sécurité au dehors si leur demeure vient à brûler. Comment faire comprendre à ces pauvres gens qui voient toute une vie de travail partir en fumée d'un seul coup, à cause de notre présence, comment leur faire admettre que c'est la guerre ??


Eglise de Vassieux

Devant sa maison qui brûle comme une torche, une pauvre vieille femme se lamente, les bras levés vers le ciel en faisant de grands gestes de désespoir. Craignant pour sa sécurité, "CALVA" l'attrape à bras le corps pour la descendre, par un escalier extérieur en pierre qui aboutit dans une grotte qui sert d'abri naturel, sous la roche vers les POUYETTES. Dans l'abri, il y a déjà des personnes dont Marc BRUN le médecin. Il leur confie sa grand-mère en leur demandant de s'en occuper et il remonte. La maison, proche de la fontaine, commence à brûler. Il faut sortir les animaux pour qu'ils ne soient pas brûlés vif. Il aide un vieil homme à sortir vaches et cochons de la ferme, pendant que son épouse, personne âgée, prépare quelques affaires en toute hâte. Si nous n'avons que peu de difficulté avec les vaches qui sont dociles, par contre, les cochons, eux, ne veulent rien savoir du tout; ils ne veulent pas sortir et tournent en rond. Il est obligé de leur piquer l'arrière train à l'aide d'une fourche pour qu'enfin, ils daignent sortir en poussant des cris d'égorgés vifs.

Dans une autre maison encore intacte, sept ou huit personnes affolées, tournent autour d'un des leurs légèrement blessé. Bien que la situation soit sérieuse, il essaie de les rassurer et leur demande de se préparer à quitter leur maison. Il leur conseille de le faire calmement plutôt que dans la panique qui ne manquerait pas de se produire si leur maison venait à s'embraser. Il semble bien du reste, que le feu gagne du terrain et risque d'atteindre leur maison. Il serait sage qu'ils partent à la tombée de la nuit pour le DIOIS, cela lui parait être très mal parti pour le plateau du VERCORS. Il leur suggère de partir à 15 mètres les uns des autres avec deux hommes devant et deux derrière le blessé pour éventuellement lui venir en aide.

En sortant de la maison, "CALVA" constate que sa grand-mère de tout à l'heure est revenue au même endroit devant sa maison qui brûle toujours..... Il s'efforce de la redescendre en râlant ferme contre ceux qui ne l'ont pas empêché de remonter et la confie personnellement à Marc BRUNEL, insistant pour qu'il l'oblige à rester en bas. Il ne va quand même pas faire que cela. Il faut dire que c'est un exercice épuisant, car elle n'est pas légère !!

Arpentant les rues du village en détresse, il passe devant l'église en feu, remarque gars du C12 sur les toits et le clocher, tirant sans arrêt au F.M. sur les avions Allemands qui reviennent sans cesse. Perplexe, il se demande comment les Maquisard du C12 peuvent reconnaître viser convenablement leur cible dans toute cette fumée. "LA TORNADE" fait part de ces patriotes qui continuent, sans relâche, à essayer de descendre ces maudits oiseaux.

Il arrive au carrefour de la route qui va à FONT-PAYANNE. Face au carrefour, l'hôtel REVOL brûle lui aussi. A ce moment, une bombe incendiaire tombe sur le palier d'une maison jusque là épargnée, ricoche, pénètre par la porte d'entrée grande ouverte et brûle en tournant sur elle-même comme une toupie. D'un bond, "CALVA" saute sur le pas de la porte et d'un bon coup de pied, expédie la bombe au-dehors. Ce réflexe peu orthodoxe, n'est pas sans dommages pour son soulier droit qui en sort complètement calciné et la jambe droite de son pantalon raccourcie à la hauteur du genou. Par quel miracle s'en sort-il sans brûlure avec seulement quelques poils de jambe roussis ? On ne le saura jamais ! Pas le temps de philosopher, il faut jeter par la porte plusieurs objets qui ont pris feu, en particulier des chaises.

A la suite d'un nouveau chapelet de bombes incendiaires, la chaleur est si intense qu'elle l'oblige à reculer. Il ne croit d'ailleurs pas qu'il reste quelque chose en état entre cette maison et la sortie du village donnant sur la route qui s'en va vers SAINT-ALEXIS.

Il redescend jusqu'à la fontaine et qu'est-ce qu'il aperçoit en train de se consumer ? : Le sac de "PAYOT" qu'il connaît trés bien. Il le plonge dans le bassin de la fontaine et continue de descendre. Revenant sur ses pas, il constate, sorti du bassin, que le sac recommence à brûler. Il s'exclame :

"Ah ! bien merde alors, quel est le con qui a sorti le sac de "PAYOT" ! il brûle !"

Et il le replonge dans la fontaine avant de s'éloigner. Il entend alors une protestation :

"Quel est le con qui m'a refoutu ce sac dans la flotte ! il y a des photos dedans qui vont être foutues !"

Il se retourne et voit "HARDY". Il ignorait jusqu'à cet instant que son P.C se trouvait à cet endroit. Ils se regardent et partent ensemble d'un éclat de rire. "HARDY" lui tape sur l'épaule et lui dit :

"Au lieu de nous engueuler, prêtez-moi la main pour essayer d'éteindre le feu dans ce grenier ! !"

Dans le garage de la maison dont le grenier brûle, nous avons entreposés des munitions, des armes, de la nourriture et des vêtements. "FILOCHARD" redescend l'escalier qui, du premier étage mène aux combles, un seau vide en main, l'escalier est si étroit et si raide qu'il est impossible de s'y croiser. Lorsque "CALVA" arrive en haut avec son seau qu'il avait rempli à ras bord avant de monter, il se retrouve avec la valeur d'une casserole de flotte, pour constater que le feu dévore déjà une bonne partie de la charpente. Il redescend dire à "HARDY" :

"C'est foutu, il vaudrait mieux évacuer toutes les munitions pendant qu'il en est encore temps ! !"

"Vous avez raison !"

Et tous les trois, ils évacuent tout le fourbi au milieu de la placette. Outre les armes et les munitions, le plastic, les détonateurs, les grenades et les gammons; il y a aussi des pansements individuels, des vêtements, des chaussures de montagne et du ravitaillement (conserves, biscuits, etc...etc...). Quand tout est installé en sécurité sur la petite place, "CALVA" fouille afin de me choisir une paire de chaussure à sa taille et un pantalon, pour remplacer ceux qu'il abîmés lors de son combat singulier avec la bombe incendiaire. On se croirait au marché aux puces. Il jette ses anciennes chaussures complètement mortes, mais garde son pantalon pour le faire transformer en short par la suite.

Constatant, que devant un tel désastre il ne sert à rien, que la nuit approche et que, du fait des événements il n'a rien mangé depuis le matin, il part rejoindre les copains pour casser la croûte.

Parti de la fontaine, il traverse le terrain d'atterrissage que nous avions aménagé en premier avant l'arrivée de "PAQUEBOT", lorsque, intuition on sixième sens, il se retourne et voit piquer sur lui un avion de chasse Allemand. Instinctivement il plonge, la rafale est tirée trop longue. Il se relève et fonce tout droit. Le temps pour le pilote ennemi de faire demi-tour et de revenir en rase-mottes. Il n'a que le temps de plonger à nouveau derrière un container providentiel. L'avion passe au-dessus de lui dans un vrombissement épouvantable en mitraillant longuement. Du côté des défenseurs du terrain, toutes les armes automatiques ont pris l'avion pour cible. Celui-ci passé, légèrement abruti par le bruit, mais indemne, "CALVA" se relève et voit l'avion monter en chandelle à la verticale, vers le VEYMONT. Puis dans le lointain, il aperçoit un point blanc. Aurait-il été touché ? Le pilote s'est-il éjecté ? Il ne sait pas, mais il lui semble entendre dans cette direction le bruit caractéristique, assourdi, d'un crash. Cela suffit pour le faire sauter de joie. Ca y est les gars l'ont eu. L'explication est toute simple, en descendant en rase-motte il s'est trouvé sur la trajectoire de toutes les armes de VASSIEUX : Fatale erreur ! Curieux, regardant dans le container qui vient de lui sauver la vie, il constate qu'il est criblé de balles. Avec circonspection, il l'ouvre et découvre un chargement de bandes médicales et de pansements. Vraiment, il revient encore de loin !!

Il rejoint les copains. Ils mangent déjà la soupe dans l'obscurité car il n'y a plus de lumière.

Le soir, le bruit court que le pilote Allemand a été fait prisonnier. Il aurait la cuisse gauche traversée par une balle. Là ne s'arrêtent pas les pertes Allemandes puisqu'un autre avion ennemi aurait été touché et serait tombé dans DIOIS.

Nos pertes sont lourdes, outre les pertes civiles, le Sous-lieutenant "DOMINIQUE", chef du C18, a été blessé par des éclats d'obus. Le père Joseph FERMONT, 88 ans, a été tué. D'autres combattants et des civils ont été atteints par un bombardement à LA CHAPELLE.

Partout, l'ensemble des armes (mitrailleuses et F.M.) a été mis en batterie pour essayer de contrecarrer la Luftwaffe. Le Lieutenant CADILLAC de la D.C.A. de LA CHAPELLE a la cuisse fracturée par une balle d'avion. Il sera achevé plus tard par les S.S. sur le terre-plein en contrebas de la grotte de la LUIRE.

Qu'est devenue la population de VASSIEUX ? nous l'ignorons ! Elle a dû fuir cet enfer pour se réfugier dans les fermes environnantes, les grottes de la périphérie de la cuvette de VASSIEUX et les hameaux voisins intacts.

Dés la nuit tombée, la plaine de VASSIEUX est un immense chantier. Les camions qui s'étaient mis à l'abri dés l'intervention de la Luftwaffe sont revenus. Les Maquisards des équipes désignées pour la récupération des containers, ceux qui n'ont aucune mission spéciale, la D.C.A. de défense du terrain d'atterrissage et même des civils, tout le monde se met au travail pour récupérer le matériel sous les ordres de "PAQUEBOT", d'''HARDY" et de "BOIRON". Durant les journées qui suivront, ce sera le même processus car l'aviation Allemande nous interdira d'effectuer le ramassage en plein jour.

"HARDY", à juste titre, trouve que nous, le C12, faisons une trop belle cible au bout du terrain d'atterrissage; aussi nous fait-il déménager définitivement vers les CHAPOTIERS, au pied du col SAINT-ALEXIS.

Pendant qu'à VASSIEUX l'aviation Allemande continue son pilonnage, une prise d'armes a lieu à DIE sous la présidence de monsieur Yves FARGE, commissaire de la République, nouveau responsable civil de la DROME. Elle débute par un discours vigoureux du Commissaire de la République devant une foule considérable et enthousiaste. Des décorations sont remises à de valeureux combattants. A 17 heures, en présence du Colonel "JOSEPH" et du Commandant "LEGRAND" (DE LASSUS), un défilé des troupes présentes à DIE la termine.

Certains prétendent que "BOB" (BENNES) et "HARDY" nous auraient fait changer de cantonnement, craignant l'intervention de parachutistes Allemands sur VASSIEUX. Mais cette information ne nous a pas été confirmée, à nous les premiers intéressés. Plusieurs jours après, ils nous ont fait quitter les CHAPOTIERS pour les fermes DEVAUD et JUILLET au col SAINT-ALEXIS.

15 Juillet 1944 - Le barrage de contrôle

Ce matin, au lendemain de la fête nationale, "CALVA" est de faction dans les ruines du village de VASSIEUX; Spectacle désolant. C'est le cœur gros qu'il effectue cette garde des quelques maisons ou dépendances épargnées par le feu. "HARDY" ne veut absolument pas de pillage.

"BAYARD" à la radio, signale à ALGER qu'il a réuni un groupe d'artilleurs en quantité suffisante pour servir une vingtaine de canons. Il est même susceptible de les tracter, car il a aussi regroupé des camions, des mulets et leurs bats, nécessaires à leur déplacement rapide ou en terrain difficile d'accès. Mais le principal manque : canons et munitions. Il insiste qu'ils nous soient parachutés au plus vite.

"SEPPI" et "CALVA" se sont vus confier une mission "TOP SECRET" par le Capitaine "HARDY". Des laissez-passer vierges ont disparus. Ils ont été "piqués" par des Miliciens. L'Etat-major a trouvé la parade. Ces laissez-passer étaient oblitérés par un seul coup de tampon. Pour authentifier les nouveaux documents, un coup de tampon supplémentaire a été ajouté au coté du premier. Ainsi, les seuls papiers valables sont maintenant ceux qui ont deux coups de tampons, l'un à côté de l'autre. Encore faut-il faire des contrôles et garder le secret le plus absolu.

"SEPPI" et "CALVA" se sont partagés les rôles. Avec son F.M. à la hanche, "SEPPI" attend, masqué par un mur à environ trois mètres de la route sur laquelle "CALVA" est placé, prêt à intercepter une voiture qui approche de notre barrage. Le véhicule se présente, transportant comme par hasard le chef du VERCORS Sud "THIVOLLET", accompagné de trois autres personnes. Exécutant à la lettre la consigne, tout naturellement, il les arrête.

"THIVOLLET" :

"Tu ne me reconnais pas ?"

"CALVA" :

"Je ne connais personne, je ne connais que les ordres. Laissez-passer, s'il vous plait !!"

A tour de rôle, ils lui tendent leur laissez-passer. Tous sont en règle avec leur deux coups de tampon. Il leur fait alors signe de passer.

En redémarrant, "THIVOLLET" dit à ses passagers assez fort pour qu'il puisse l'entendre :

"Ils sont un peu cons au C12, mais heureusement qu'ils sont là !!"

17 Juillet 1944 - ENTERREMENT DE "PAYOT" à DIE

Dans la matinée, tout le C12 descend à DIE pour accompagner à sa dernière demeure notre chef et ami à tous : Le Lieutenant "PAYOT" (POINT). Fusils inclinés vers le sol, culasses ouvertes, les cinquante Maquisards du C12, derrière le Capitaine "HARDY", encadrent le cercueil de leur ami pour l'accompagner au temple où a lieu l'office religieux. Une foule très nombreuse de DIOIS suit le cercueil. Après le temple tout le monde se déplace vers le cimetière de DIE où les honneurs militaires lui sont rendus.

La famille de notre compagnon "VASCO", mortellement blessé à SAINT-NIZIER-DU-MOUCHEROTTE et décédé à l'hôpital de SAINT-MARTIN le 15 Juin* soit un mois plus tôt, a manifesté le désir de s'entretenir avec les témoins des circonstances dans lesquelles avait été atteint leur fils. "SEPPI", "CALVA" et "ATHOS" profitent de cette triste cérémonie pour leur rendre visite et leur relater les derniers instants de sa vie.

Après quoi, perdus dans nos pensées, le cœur gros, nous rejoignons notre cantonnement aux CHAPOTIERS.

Bien que nous ne soyons pas directement au courant de ce qui se passe dans le VERCORS et ses environs comme l'Etat-major, nous sommes renseignés sur l'évolution de ce qui intervient, journellement, dans le coin par nos agents de liaison et les motocyclistes qui viennent en permanence ou presque au P.C. de VASSIEUX.

Nous sommes tous conscients que les Fridolins ne vont pas rester sur leur demi échec de SAINT-NIZIER. Nous sommes convaincus que les derniers bombardements de VASSIEUX et de LA CHAPELLE ne sont que le prélude à une vaste opération et nous pressentons ce qui nous attend.

De jour en jour, des bruits alarmants circulent faisant état de mouvements importants de troupes ennemies en direction du VERCORS. Tous les renseignements concordent. Ils arrivent des postes de la Résistance de la DROME ou de l'ISERE et sont centralisés au P.C. d'"HERVIEUX" : Les Allemands préparent une intervention de grande envergure, massive, pour anéantir définitivement le "CANCER TERRORISTE'' du VERCORS. "HERVIEUX" soutenu en cela par "JOSEPH", "BATARD" et "BOB", tient au courant d'heure en heure, les services compétents d'ALGER, de l'aggravation sans cesse croissante de la situation.

A L'OUEST :

Dans la vallée du Rhône, les Allemands possèdent de très gros moyens. Cet axe est vital pour la Wehrmacht. Outre la ligne de défense axée sur la DURANCE, il y a des garnisons importantes à tous les points névralgiques et dans toutes les petites et grandes villes.

A LA PAILLASSE, sur la RN7, par exemple, se trouve un escadron d'une vingtaine de chars légers et un peloton de six chars lourds. Il a été signalé qu'ils sont planqués sous les arbres et un bombardement aérien a été demandé. Des troupes de fantassins partent de VALENCE vers BEAUMONT et d'autres progressent vers SAINT-MARCELLIN.

AU NORD ET A L'EST :

Deux colonnes Allemandes de la 157ème division d'infanterie de montagne du Général PFLAUM descendent de CHAMBERY en direction de GRENOBLE de part et d'autre de l'ISERE. Celle de la rive gauche, descendant de PONTCHARRA et de GONCELIN, est légèrement accrochée à BRIGNOUD (sans toutefois être arrêtée). Elle continue sa route sans pratiquement rencontrer d'obstacle en direction de VIF et du col de LA-CROIX-HAUTE. Les troupes Allemandes sont composées d'unités Alpines très familiarisées avec les combats de montagne. Elles sont renforcées par de petites unités Russes, Polonaises et Miliciennes. Elles comprennent, outre des fantassins Alpins, des auto-mitrailleuses, de l'artillerie de montagne, des services, des unités de réserves exclusivement composées de très jeunes hommes ou des hommes âgés, dans les dernières classes mobilisées et de la D.C.A. etc…etc… Elles vont investir la vallée dans le TRIEVES, en attendant d'attaquer les gus (????) de l'est.

AU SUD :

Attaquant en direction de CREST, venant de VALENCE, un bataillon Allemand essaie d'enfoncer le dispositif de défense tenu à VAUNAVEYS dans la DROME par la 2ème Compagnie du 2ème Bataillon du Capitaine "BEN"' (BENTRUP). Après une résistance opiniâtre les jeunes patriotes français se replient vers GIGORS, en bon ordre et avec tout leur matériel, afin d'éviter le débordement de leurs positions amorcé par les troupes ennemies. Celles-ci, bien que retardées, parviennent quand même à CREST dans la soirée.

La veille, les Allemands, partis de LA-CROIX-HAUTE, ont tâté une nouvelle fois le COL-DE-GRIMONE. Des renforts ont été envoyés sur place par le Commandant "LEGRAND" avec quelques armes anti-char. Il devient évident que l'objectif de l'Etat-major Allemand est d'isoler complètement le VERCORS.

Craignant que l'ennemi ne s'en prenne aux jeunes qui ne nous ont pas encore rejoints, prés de 150 jeunes hommes sont mobilisés dans la région de VILLARS-DE LANS. Cette mesure arrive-t-elle trop tardivement ?? On pourrait le croire lorsque les quelques habitants restants à SAINT-NIZIER voient passer de très gros renforts Allemands, comprenant de l'artillerie de montagne, des convois de mulet, des véhicules légers et prés de 3000 hommes de troupe.

18 Juillet 1944 - Prémisses de l'attaque du VERCORS

Les Allemands attaquent à nouveau le COL-DE-GRIMONE. Ils obligent les nôtres à se replier dans les gorges des GATS. Pendant ce temps, la vie continue vaille que vaille à VASSIEUX; où le chef civil du VERCORS nomme monsieur Martial BERTHET, maire du village.

Un avion de reconnaissance Allemand se promène encore au-dessus de VASSIEUX. Il doit prendre sûrement des photos. Il s'en va en direction de LA CHAPELLE.

Le P.C. de "GODERVILLE" (Jean PREVOT) se trouve à la ferme d'HERBOUILLY. Sa mission est de défendre un secteur très étendu comprenant : le BOIS BARBU, les PAS de l'ANE et de LA SAMBUE (points stratégiques capitaux pour la défense du centre du VERCORS). Il ne dispose que d'un nombre restreint de combattants. Le Lieutenant MOINE et ses Sénégalais ainsi que les chasseurs du 12ème B.C.A. ont renforcé ses positions. II n'a plus, à sa disposition, que la 4ème Compagnie du 6ème B.C.A.

Un peu partout, les Allemands commencent à mettre en place des postes de mitrailleuses à la croisée des chemins, aux entrées et sorties des villages. C'est ainsi qu'à LA PAILLASSE, sur la RN 7, outre les chars, la 9ème Panzer installe un important dépôt d'essence et de munitions. On signale aussi la présence de nombreux Ost Légionâre (Mongols).

Au C12, nous procédons, de plus en plus fréquemment, à un entraînement extrêmement dur : Crapahutages, progressions avec camouflage, décrochages avec tout notre matériel. Chacun d'entre-nous sait que : c'est une question de survie, d'avoir une très bonne forme physique et des automatismes précis et rapides. Après la perte de notre chef, nous avons quelque peu négligé notre entraînement, nous nous sommes "englués" dans la tristesse, négligeant ces exercices indispensables. Ils n'est pas inutiles de reprendre ces exercices car on a vite fait de "s'encroûter".

20 Juillet 1944

Dans le Sud, sur l'axe CREST/DIE, les Allemands sont, très momentanément stoppés.

Au nord, à la Tour de SAINT-NAZAIRE, prés de SAINT-NAZAIRE-DE-ROYANS, les Allemands venant de PONT-DE-MANNE, attaquent les deux sections de patriotes qui retarderont la colonne ennemie, durant quatre heures, avant de décrocher à la nuit.

De son P.C. "HERVIEUX" adresse l'ordre n°4 à tous les combattants du VERCORS :

"L'ennemi investit cet après-midi, au nord et à l'ouest, la forteresse du VERCORS;
il est probable que cet investissement se poursuit sur tous les côtés, en vue, soit de nous affamer en nous empêchant de descendre en plaine, soit plutôt de nous attaquer. Soldats du VERCORS, c'est le moment de montrer ce que nous valons, c'est l'heure pour nous de la bataille. Nous nous battrons sur nos positions, nous accrocherons l'ennemi où il est et à tout instant, surtout au moment où il s'y attendra le moins. Nous le harcèlerons sans cesse, même si nous sommes séparés les uns des autres. Nous lui ferons payer cher sa volonté d'oppression.

Soldats du VERCORS, tout le pays a les yeux fixés sur vous ! Nous avons tous une égale confiance les uns dans les autres, nous avons pour nous le droit. Nous aurons à souffrir des privations, mais depuis quatre ans nous sommes habitués à souffrir.

L'idéal qui nous anime et qui nous unit nous fera gagner !"

La mission EUCALYPTUS se charge de transmettre à ALGER le message du chef du VERCORS, "HERVIEUX".

""HERVIEUX" estime que l'attaque sur le VERCORS est imminente. Troupes parachutées françaises et demandes formulées doivent être satisfaites de toute urgence. Juge que si l'attaque se déclenche, avant satisfaction de nos demandes, le VERCORS ne peut tenir. Je rappelle incidemment que si les troupes du VERCORS sont battues, les représailles seront terribles. Demande que l'on effectue largage de jour aussi important que la dernière fois et que l'on bombarde CHABEUIL en même temps. Les chasseurs pourraient visiter la zone sud après largage."

Un second appel au secours est transmis à ALGER par la mission EUCALYPTUS en début de l'après-midi :

"Allemands utilisent le VERCORS comme deuxième ligne de défense de la DURANCE. Depuis la bataille de SAINT-NIZIER, les forces du VERCORS se sont retirées au pont de LA GOULE NOIRE étant incapables de tenir le terrain découvert, sans troupes régulières et sans armes lourdes. Nous ne pouvons reconquérir et tenir VILLARS-DE-LANS et SAINT-NIZIER, jusqu'à ce que vous ayez satisfait nos demandes en armes et personnel. Mouvement Allemand vers GRENOBLE. Nous craignons aussi infiltrations dans les forêts du Sud-ouest et de l'Est et les parachutistes."

Aux appels désespérés d'"HERVIEUX", se sont joints ceux, maintes fois répétés de "JOSEPH" (ZELLER) de "BAYARD"-"PERIMETRE" (DESCOUR), aux liaisons régulières de "BOB" (BENNES). En réponse, ALGER nous promet qu'à partir du 23 Juillet, il nous enverra deux demi-sections (une section du 1er bataillon de choc), quelques officiers et sous-officiers, ainsi que cent mortiers légers ave leurs obus --Espérons que ce ne soit pas un vieux stock de mortiers NEO-ZELANDAIS dont ils veulent se débarrasser -- et des mitrailleuses lourdes. Vu l'importance de nos besoins, il s'agit là de quelques broutilles.

Dans un second message, ALGER précise qu'il n'a aucun élément aéroporté disponible, avant une quinzaine de jours, en dehors des renforts qu'il nous a déjà indiqués dans le premier message, mais qu'il joindra en plus au matériel déjà prévu, des mortiers de 50 mm. On se demande bien pourquoi, il a fallu attendre que la situation devienne particulièrement critique, pour qu'on nous envoie ces mortiers qui nous ont fait tellement défaut depuis le début de la bataille. Et il en va de même pour les bombardements aériens des aérodromes de CHABEUIL et de LYON-BRON, ainsi que les dépôts de munitions de SAINT-NIZIER. Attendra-t-on qu'il soit trop tard ??

Vendredi 21 Juillet 1944 - Les Planeurs

Le C12, la veille au soir, a emménagé chez JUILLET et à la ferme BERNARD, qui se trouvait juste au-dessous. Sur ordre du Capitaine "HARDY", nous devons rejoindre VASSIEUX pour 9 h du matin.

Dés 6 heures 30, le Capitaine "PAQUEBOT", BOIRON, le Lieutenant GRIMAUD et le Sous-lieutenant GOMBOS (ces derniers chargés de la défense du terrain d'atterrissage) se dirigent vers la fontaine du village pour y faire leur toilette matinale. Ils rejoignent en cela Marc BRUNEL et les ENJALBERT qui y sont déjà. La nouvelle journée doit voir s'achever le terrain d'atterrissage. Ils songent à ce qu'il reste à faire. Grâce à la diligence du chef de secteur électrique, monsieur JENIN, le déplacement de la ligne est achevé. VASSIEUX étant pratiquement anéanti, les ouvriers qui travaillent sur le terrain viennent de l'extérieur. Ils ne vont pas tarder à arriver. Mais, tel qu'il est, le terrain est praticable.

En cette matinée, la garde du P.C. d'"HARDY" à VASSIEUX se résume à très peu de monde. Il y a du C12 que :

"HARDY" (Pierre HAEZEBROUCK).............Capitaine;
"FEND-LA-BISE" (Pierre ALBERTO)............Tireur de mitrailleuse légère;
"FILOCHARD" (Raymond ANNE)..................Agent de liaison moto;
"MIMILE" (François BLANC)...........................Agent de liaison moto;
"LA LOULE" (Louis PHILIPPE)
"ALOA" (? RIVIERE)
"POPOFF" (Philippe DONAT)
"LE REVEREND" (Henri DELAS)
"LA FLECHE" (Jacques DESCOUR)
? (Marcel JUBAN)
? (Henri LEFEVRE)

Soit le Capitaine "HARDY" plus dix hommes.

Le C15 est à FONT-PAYANNE sous les ordres de "CHARVIER" (Marc COQUELIN). Le C18 est au col de VASSIEUX sans son chef "DOMINIQUE"; blessé le 14 Juillet.

Le C19 est au Hameau de LA MURE, commandé par le Lieutenant "PHILIPPE". La vingtaine de garçons de ce camp sont arrivés dans la nuit du 20 au 21 Juillet, venant de LA BRITIERE, prés de SAINT-AGNAN en passant par le PAS du PRE et le CHATEAU.

Le commando Américain du Capitaine TUPPERS et ses quatorze hommes se trouve entre le col SAINT-ALEXIS et le PAS DU PRE.

Le reste du C12, soit trente-neuf hommes, se trouve au COL SAINT-ALEXIS sous les ordres du "BUFFLE";

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Suite...

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