27 Juillet 1944 - Grotte de la luire

Pendant ce temps sur le plateau du VERCORS, les Nazis continuent à faire la chasse aux Résistants et tirent indifféremment sur les combattants et les civils qui tentent de fuir. Ils fusillent pour un oui ou pour un non quiconque se trouve sur leur chemin.

Dans la grotte de LA LUIRE, les bruits de la vallée sont amplifiés et résonnent contre les parois rocheuses. Les blessés réfugiés des hôpitaux de SAINT-MARTIN et de TOURTES entendent avec anxiété des coups de feu qui se rapprochent. Ils vivent depuis plusieurs jours dans une angoisse extrême. En plus des souffrances physiques qu'ils doivent endurer du fait de leurs blessures, les conditions mêmes de vie dans la grotte ne sont pas faites pour alléger celles-ci, malgré un dévouement total et sans défaillance de tout le corps médical et hospitalier.

Le décès de monsieur Henri MUROT, retrouvé blessé dans les bois du hameau de LA MURE et atteint de gangrène, l'inconfort de cette grotte humide, la hantise d'être découvert à tout moment, l'impossibilité de savoir ce qui se passe à l'extérieur; tout ces faits ne sont pas pour remonter le moral de nos braves blessés condamnés à rester allongés sur leurs brancards.

Dans l'après-midi, des soldats de la Wehrmacht se présentent devant l'entrée de la grotte. Celle-ci arbore un drapeau de la Croix Rouge indiquant très clairement que c'est un poste de premiers secours. Des soldats de l'Armée d'occupation, fait prisonniers blessés, sont soignés au même titre que les Maquisards. Dés l'apparition de la patrouille Allemande ils crient en Allemand :

"Ne tirez pas, c'est un Hôpital, ils nous ont soignés !!"

Le Feldwebel qui commande la patrouille de chasseurs Autrichiens est très embarrassé, d'autant plus que, parmi ses hommes, il y a quelques Polonais. Il s'assure que les Allemands blessés ne sont pas des déserteurs en leur arrachant les pansements pour se convaincre qu'ils sont vraiment blessés. Ces blessés sont de la même unité. Ils affirment à leurs camarades qu'ils ont été bien traités comme l'exige la Convention de Genève. Parlant admirablement le Français, le Feldwebel S.S. demande quels sont les responsables de cette antenne médicale. Les Docteurs GANIMEDE, FISCHER et ULMANN se présentent. Il fait alors aligner face à la paroi tout le personnel Hospitalier ainsi que les blessés qui peuvent encore se tenir debout puis, il fait procéder à une fouille générale et systématique. En fouillant les personnes alignées, les Boches en profitent pour subtiliser tout ce qui les intéresse.

Il semble bien que cette patrouille Allemande d'une vingtaine de chasseurs Autrichiens commandée par un Adjudant Nazi, ait été dirigée vers la grotte par un garçon du pays forcé par le Feldwebel à servir de guide. Ils ont emprunté le lit rocailleux du petit ruisseau qui sort de la grotte lorsque les sources sont à leur niveau maximum. En outre, les Allemands avaient peut-être remarqué des allées et venues suspectes dans le secteur.

Parmi les blessés se trouve le Lieutenant Américain Chester MEYERS, du commando instructeur sur l'emploi du Bazooka. Celui-ci a été parachuté à VASSIEUX le 29 Juin 1944. Il a été opéré de l'appendicite le 16 Juillet. Surpris de voir un officier Américain, le Feldwebel S.S. lui arrache ses galons. Puis il fait évacuer la grotte par tout ceux qui peuvent marcher. Seule, une infirmière (Anita WINTER) est autorisée à rester auprès des blessés intransportables qui restent allongés sur leurs brancards.

La patrouille s'est scindée en deux. L'une reste pour garder les blessés qui sont restés à la grotte, l'autre accompagne ceux pouvant se déplacer, les médecins et les infirmières en blouse blanche ainsi que l'aumônier et se dirige vers le village du ROUSSET. En cours de route, la colonne est arrêtée par un officier Allemand. Abdesalem BEN AHMED lui crie "sale Boche". Il est frappé et immédiatement pendu.

A ROUSSET, les Allemands vident de ses meubles une ferme abandonnée par ses habitants. Ils y enferment les femmes au 1er étage et les hommes au rez-de-chaussée.

Pendant ce temps à la grotte, les éléments Allemands qui sont restés sur place, recommencent à fouiller dans ce qui est resté et pillent le ravitaillement de réserve. Recevant l'ordre de transporter les douze grands blessés sur leurs brancards pour les charger sur un char à foin, ils commencent l'exécution de l'ordre lorsqu'un contre-ordre arrive. Ils jettent littéralement les grands blessés sur un tertre où froidement ils les abattent tous à l'exception de Francis BILLON qui est revêtu de son uniforme de Lieutenant. Il y a maintenant vingt jours, le 7 Juillet, qu'il a été parachuté et s'est fracturé la cuisse droite à l'atterrissage. Il l'emmène à ROUSSET dans le but de l'interroger.

Anita WINTER rejoint ses compagnes au 1er étage de la ferme du ROUSSET. Elle leur raconte l'atroce fin que les Nazis ont réservé à nos blessés. Avec les infirmières, dans ce 1er étage, ont été aussi enfermées la Résistante Lilette LESAGE, blessée le 23 Juin lors de l'attaque de COMBOVIN et deux civiles blessées dans des bombardements Allemands, à savoir : Marie-Louise DURAND de BOUVANTE-LE-HAUT et Fernande FERLIN, blessée le 13 Juillet à VASSIEUX-EN-VERCORS et évacuée le même jour sur l'hôpital de SAINT-MARTIN dans le camion convoyé par "CALVA" du C12. Il y a aussi l'épouse du médecin chef de l'hôpital, madame GANIMEDE et son fils Jean.

28 JUILLET 1944 - VENDREDI

Dés l'aube, les Nazis obligent leurs prisonniers à creuser des tranchées si étroites que le Docteur FISCHER murmure au Docteur GANIMEDE :

"Jamais nous ne pourrons rentrer là-dedans !!"

Ce qui lui amène la réponse ironique du Docteur GANIMEDE, malgré la situation dramatique où ils se trouvent :

"Nous sommes moins épais que large, ils nous mettrons de champ !!"

A ROUSSET, la situation évolue vite. Les Boches font embarquer en camion les trois médecins, l'Aumônier (le Révérend Père DE MONTCHEUIL), les sept infirmières, les trois femmes blessées, madame GANIMEDE et son fils Jean ainsi que le Lieutenant Américain Chester MEYERS. L'intercession des blessés Allemands soignés avec les nôtres a dû jouer un rôle déterminant dans ce changement d'attitude car, s'il n'avait pas reçu d'ordres formels, le Feldwebel S.S. n'aurait épargné personne. Malgré tout, il fait fusiller les six blessés semi-valides ainsi le que le Lieutenant Francis BILLON qui est abattu à part.

Les dix-sept prisonniers embarqués en camion ont l'espoir de pouvoir s'enfuir en cours de route. Ils seront déçus, car il leur est impossible de tromper la vigilance de leurs gardiens. Ils arrivent à GRENOBLE où il sont enfermés à la Caserne de BONNE.

Evénement exceptionnel, la Gestapo libère les trois femmes blessées, madame GANIMEDE et son fils Jean. Le Lieutenant Américain sera le seul a être traité comme prisonnier de guerre.

Les infirmières, elles, seront par la suite, transférées le 3 Août 1944 à LYON et internées au FORT-MONTLUC où elles partagèrent un cachot plein de puces, ans une cave. Grâce à l'intervention de la Croix-Rouge, elles partiront pour SAINT-JOSEPH, le jour même et elles y resteront jusqu'au 11 Août; date à laquelle elles seront incorporées à la gare de PERRACHE dans un convoi de 1100 personnes déportées, via PARIS, à RAVENSBRUCK en Allemagne. Elles seront trimballées de camp en camp jusqu'au jour de leur libération le 16 Mai 1945, après de longs mois de misère, de privations et de sévices de toutes sortes. L'une de leurs compagnes de la grotte de LA LUIRE, Odette MALOSSANE, racontera à son retour, les odieux traitements dont elles furent victimes. La si courageuse ETTY du VERCORS rendra son dernier soupir au camp d'extermination de RAVENSBRUCK à l'automne 1944.

Les deux médecins FISCHER et ULMANN seront fusillés ainsi que le R.P. DE MONTCHEUIL. Le Docteur GANIMEDE sera épargné sans doute à cause de son âge. Il profitera de la débandade de la Gestapo de LYON pour s'évader.

Pendant ce temps, entre CHAMALOC et LES PLANEAUX, "CALVA" entrouvre discrètement la porte du cabanon où il a passé la nuit. Il a l'intention de se libérer d'un besoin pressant. Par prudence, il risque un œil à l'extérieur et que voit-il à une trentaine de mètres du cabanon ?...Un grand officier Fritz, debout, tourné vers lui qui se soulage. A dix mètres derrière lui, sur la route, il y a des camions à l'arrêt. Eh bien....pour un coin tranquille.. C'est un coin tranquille !!... Il referme doucement la porte et donne l'alerte aux autres pour qu'ils soient prêts à gicler par le toit si la situation l'exige. Il espère seulement que le toit ne sera pas trop solide pour les laisser s'échapper. Il explique aux autres qu'il retardera les Boches le plus longtemps possible au fusil et à la grenade. Il leur demande de ne pas s'affoler inutilement. Il est plus que probable que les Boches vont repartir sans les inquiéter. C'est d'ailleurs ce qui se passe.

Le père donne à "CALVA" le nom (oublié) d'un de ses cousins qui habite au PLANEAUX (ils ont tous le même nom) et toute les indications nécessaires pour le trouver. Puis, père et fils s'en retournent à CHAMALOC.

"CALVA" arrive à bon port et trouve son homme. Celui-ci le renvoie à un autre cousin du même nom aux GRANGES de ROMEYER. Les recherches sont très brèves, il ne rencontre aucun Boche sur sa route. Il explique à son nouvel interlocuteur la situation dans laquelle il se trouve. Il lui demande de faire prévenir le père SANTONI, garde forestier, son fils Roger, ou bien le maire, monsieur FIALOUX, tous habitants de ROMEYER, pour qu'on lui vienne en aide. Le brave homme s'exclame :

"SANTONI, ah! ben ça alors, c'est fort! SANTONI, il était là où vous êtes il n y a pas cinq minutes en train de boire un canon avec moi. Si ça se trouve, il est encore dans les parages en train d'en boire un autre !!"

Et il part en courant aussi vite qu'il le peut, car il n'est plus très jeune. En effet, sur la table qu'il vient de quitter, il y a encore deux verres. Peu après, le vieil homme revient triomphant en traînant SANTONI.

"Qu'est-ce que je vous disais !"

Effectivement, il l'a retrouvé cent mètres plus loin, en train de discuter devant un autre canon de rouge. Très hospitalier, le gars sort du pain et du pâté de cochon et nous voilà cassant la croûte. Ce qui est étonnant, c'est que SANTONI est toujours au courant de tout ce qui se passe dans son secteur; aussi, "CALVA" n'est pas surpris lorsqu'il lui dit qu'il n'y pas de gars du C12 au CHATEAU-DES-GARDES, mais une vingtaine de jeunes, sans doute du C11, qui reviennent d'un PAS où ils devaient être de garde. Il leur raconte que le VERCORS a cédé et que ces gars ne savent pas où aller car les Maquisards ont repris le chemin du Maquis. Les Boches sont partout et la tendance pour les Maquisards c'est de traverser la Drôme vers MONTMAUR-EN-DIOIS pour sortir de la zone d'opération Allemande qui semble s'appuyer sur la rivière comme limite de ratissage. De MONTMAUR-EN-DIOIS, les gars doivent filer vers SAINT-NAZAIRE-LE-DESERT où pense-t-il, ils se regroupent.

"CALVA" qui n'est pas de la région et qui, de plus, n'a pas de carte, n'a aucune idée où se trouve SAINT-NAZAIRE-LE-DESERT, mais SANTONI lui fait remarquer à nouveau que le CHATEAU-DES-GARDES est marqué sur les cartes d'Etat-major, que les Boches savent lire ce genre de cartes et ne manqueront pas de le voir rapidement. De ce fait, ils ne seront pas longs à découvrir le lieu où se cachent les jeunes du C11. Leur sécurité oblige qu'ils s'éloignent très vite de cet endroit. Et il rajoute :

"Pour bien faire, il faudrait qu'un ancien comme vous, "CALVA" les prenne en charge pour les sortir de tous les dangers qui les guettent !"

"CALVA" a beau lui rétorquer que sa blessure au genou est à peine cicatrisée malgré qu'elle ne le fasse plus guère souffrir; qu'après ce qu'il vient de subir, il ne se sent pas en grande forme, rien n'y fait. SANTONI finit par le persuader. C'est un ardent patriote et un grand cœur. Ensemble, posément, ils élaborent une très modeste stratégie qui consiste à ceci :

"CALVA" ira rejoindre les jeunes au CHATEAU-DES-GARDES, et y coucher, si les Boches n'interviennent pas d'ici là. En cas d'alerte, il prendra le Maquis avec les gens qui sont à sa charge. Le lendemain matin, il s'en ira avec son groupe à ROMEYER où il retrouvera SANTONI qui tiendra à sa disposition tout le ravitaillement qu'il aura pu rassembler entretemps. Au cours de la discussion, "CALVA" précise qu'il souhaite que Roger lui serve de guide.

"Roger ! ce n'est pas possible, il est déjà parti conduire des gars, je ne pense pas qu'il sera revenu à temps." répond SANTONI.

Bien entendu, le mieux serait de cantonner à CHAROSE, chez FIALOUX, mais ni lui, ni probablement les jeunes n'ont d'argent pour payer la nourriture et il n'est pas question pour lui d'abuser de la générosité des Résistants de ROMEYER qui ont déjà suffisamment donné et fait pour le Maquis. D'autre part, plus d'une vingtaine de gars à nourrir durant plusieurs jours, ce n'est pas une mince affaire. Cela finit par leur revenir cher à ces paysans au grand cœur. Malgré les circonstances, ils ne peuvent pas faire cadeau de tout, tout le temps. Ils seraient vite complètement ruinés. Aussi est-il plus sage de trouver une région ayant moins contribué à l'entretien des Maquis et quitter au plus vite le DIOIS.

Dans cette belle région du DIOIS, comme ailleurs, les Boches exécutent tous les résistants ou supposés tels, qui tombent sous leurs mains. C'est ainsi qu'à CHAMALOC ils abattent "MITRON" (Henri ODDON) et à DIE, "TATAVE" (Nadal RAMIS) et "BOURGUIGNON" (Marcel JEANNERET), tous les deux du C12 qui se sont fait prendre à PONT-DE-QUART. Chaque jour, la liste des atrocités Nazie s'allonge sans que personne ne puisse dire quand cela finira ? C'est à désespérer !

L'espoir d'un débarquement dans le midi s'effrite, il n'est pas encore annoncé. Plus personne n'ose en parler. A DIE, les Miliciens tiennent le haut du pavé et multiplient les exactions.

Le 22 Juillet, ils ont tué le Docteur KRAUL et son fils, le Sous-lieutenant VERMOREL et une huitaine de personnes prises au hasard. Le 23 Juillet, c'est au tour de Camille BUFFARDEL et de Léon LIVACHE. Le plus sinistre, c'est que les corps des suppliciés restent sur place. Il y en a un peu partout.

Toutes ces nouvelles sont rapportées à "CALVA" par SANTONI, devant le petit père qui ressert une tournée. Elles ne sont pas faites pour remonter le moral. Aussi après l'avoir écouté sur le meilleur itinéraire à suivre pour parvenir au CHATEAU-DES-GARDES et à ROMEYER, après avoir trinqué une dernière fois avec les deux hommes, il boucle son sac et sans précipitation, se dirige vers le CHATEAU-DES-GARDES par le chemin forestier. Il y arrive sans encombre. Les gars l'attendent, prévenus en cela par leur garde. En effet, ils sont bien du C11. Ils sont environ une vingtaine et sont arrivés là, venant d'un PAS. "CALVA" constate qu'il n'y a pas d'ancien avec eux et que bien peu ont conservé leurs armes. Pourtant, il est sûr et certain que tous ont été armés. "GRANGE" disposant d'un énorme stock sous le tunnel du ROUSSET, ne les aurait pas laissé partir prendre position sans armes. Ils n'ont pratiquement rien à manger et semblent complètement désorientés. Malgré tout, ils ont conservé leurs sacs, mais malheureusement ils sont vides. "CALVA" ne leur pose aucune question car, pour lui, le plus important dans l'immédiat, c'est de partir de là et au plus vite. Il leur expose la situation telle qu'elle est, pourquoi il est venu, ce qui a été combiné par SANTONI et lui, évidement sans citer son nom, car moins ils en sauront, mieux cela sera, car on ne sait jamais ce que l'avenir peut réserver. Il exige une grande discipline pour qu'ils puissent s'en sortir tous ensemble. Apparemment, ce sont de braves garçons, pleins de bonne volonté.

Il décide de s'organiser en sizaine. Il leur demande de désigner parmi leurs camarades ceux en qui ils ont le plus confiance pour en faire les chefs des sizaines, de se grouper par affinité autour d'eux; après quoi, il équilibre le nombre de gars. Avec lui, il prend ceux qui sont gars armés pour en faire un groupe de combat.

Le repas du soir est vite expédié, car ils n'ont pratiquement aucune nourriture. Une fois la sizaine n°1 de garde, il va s'étendre pour savourer un repos bien gagné.

Pendant ce temps, à la ROCHETTE, les hommes du C12 et du C18 sont regroupés par "THIVOLLET" pour reformer le deuxième Escadron sous le commandement du Lieutenant JURY. Ce dernier aura la lourde tâche de remplacer le Capitaine "HARDY", tué au combat le 21 Juillet 1944 à VASSIEUX.

Le Capitaine "HARDY" (HAEZEBROUCK) avant le 6 Juin 1944, avait sous son autorité les camps C11, C12 et C13. Après le 6 Juin, avec la montée de tous les nouveaux engagés, les camps d'origines étaient devenus de véritables Escadrons.

C'est ainsi que le C11, placé sous l'autorité de "GRANGE" (CATHALA) était devenu un véritable Escadron avec pour chefs de peloton : "PEPE" (Roger PERRIER), "LE FAUVE" (Paul LE PAPE) et "LE GORILLE" (Jean GARNIER).

Le C12, commandé au début par "PAYOT" est passé directement sous les ordres de "HARDY" à la mort de celui-ci. A cette époque, l'effectif du C12 était passé à 50 hommes. Il avait comme chef "LE BUFFLE" (André GENOT). Pour former un Escadron plein, il fût adjoint au C12 et définitivement rattaché les hommes du C15 commandé par "CHARVIER" (Marc COQUELIN) et ceux du C18 qui étaient sous les ordre de "DOMINIQUE" (Dominique ISRAËL). C'est ainsi que naquit le 2ème Escadron.

Avant le 6 Juin, le C13 était déjà composé d'un camp "léger" et d'un camp "lourd". Ces deux camps étaient réunis sous le commandement unique de "RAOUL" (ROUDET)

En plus de ses 2 Escadrons et du C13, "HARDY", en liaison avec "GRANGE" au COL-DU-ROUSSET, dirigeait trois pelotons des équipes civiles de DIE, transformés en groupes sédentaires de l'A.S.:

a) Le groupe Jean VEYER à la ROCHE-DE-CHAMALOC.
b) Le groupe FIALLOUX au COL-DE-ROMEYER.
c) Le groupe Aimé BAUDET en-dessous de l'AIGLETTE.

Les trois groupes A.S. de sédentaires ont été armés par "HARDY". Ils avaient pour mission d'effectuer des combats de retardement sur les troupes ennemies essayant de monter et de s'infiltrer vers le COL DU ROUSSET et MARIGNAC. Mais, comme l'invasion du VERCORS par les troupes aéroportées, débarquées à VASSIEUX et les Chasseurs Autrichiens venus par les PAS de l'Est, les menaçaient à revers, ils devront se replier sans combattre.

"PAYOT" ayant été mortellement blessé à VASSIEUX le 13 Juillet 1944, "HARDY", son grand ami, le soir même de sa mort, a sollicité le grand honneur de commander directement le C12. Or, le 21 Juillet 1944, le 2ème Escadron perdra à nouveau son chef qui tombera avec neuf hommes du C12 lors de l'attaque aéroportée sur VASSIEUX par les planeurs du Bataillon "JUNGWIRTH". Ainsi, en une semaine, les deux officiers d'active qui commandaient à VASSIEUX, vont disparaître des combats, laissant, sans aucun doute possible, un vide technique militaire certain.

Huit Maquisards du C12 ont réussi à rejoindre LA ROCHETTE. Ils seront suivis plus tard par dix autres et formeront l'embryon du 2ème Peloton. Les six rescapés du C18, puis "CHARVIER" et les rescapés du C15 formeront le 3ème Peloton.

Arrivés le 9 Juin 1944 au P.C. de SAINT-MARTIN, cinq Lyonnais: Henri CARMANTRAND, "BEN HUR" (Bertrand MOREL-JOURNEL), Philippe PASQUET, Louis PINET et Pierre REGNIER sont envoyés au RANG-DES-POURRETS où ils sont rejoints par Guy AGUETTANT, Hubert et Michel AUDRAS (deux frères), Henri COZON, René JURY, Gérard MARCHAND et PELLET; soit douze hommes qui seront affectés au début à la protection rapprochée du Q.G.de "BAYARD" (DESCOUR) au lieu-dit RANG-DES-POURRETS. Par la suite, le VERCORS ayant été bouclé et déclaré République Libre, il n'apparaît plus nécessaire de garder ce Q.G., qui n'est d'ailleurs pas occupé en permanence par "BAYARD". Ainsi, le groupe, sous les ordres du Lieutenant René JURY, déménage pour s'installer à la ferme des BERTS au hameau de LA BRITIERE où est déjà loger le P.C. radio de "BOB" (BENNES).

Après l'attaque des planeurs à VASSIEUX, le 21 Juillet 1944, les Radios de "BOB" et le groupe de JURY prennent position pour empêcher les Allemands d'avancer vers LA CHAPELLE. JURY et son groupe s'installent au PAS-DU-PRE. Ils ne seront attaqués ni le 21, ni le 22, mais par contre, ils participeront à l'attaque générale du 22 au soir et par la suite, ils se retireront vers la forêt de LENTE et vers le COL-DE-LA-ROCHETTE le 23 Juillet sur ordre de dispersion générale diffusé par "HERVIEUX".

A cette époque, le nouveau 2ème Escadron du 1ème Régiment de Cuirassiers comprend :

René JURY et onze hommes de l'ancien groupe de protection du Q.G. plus huit Maquisards du C12, six rescapés du C18 ainsi que "CHARVIER" et le reste du C15 qui représente un groupe d'une vingtaine de gars. En tout, l'effectif global du 2ème Escadron ne doit pas dépasser une cinquantaine d'hommes au maximum.

"O.F.I." (Georges TORCHIN) rescapé du C12, participe à une patrouille qui part du COL-DE-LA-ROCHETTE, passe par le COL-DE-GAUDISSARD qui domine SAINT-JEAN et SAINT-LAURENT-EN-ROYANS, puis traverse la route de COMBE-LAVAL et se dirige vers SAINT-LAURENT. Là, il pénètre dans une ferme abandonnée. Que trouve-t-il ?.... Des quantités de dossiers concernant des Maquisards. Un peu suffoqué par cette légèreté et cette imprudence, très inquiet, il fouille dans le tas pour savoir si le sien figure parmi ces documents. Il ne le trouve pas ! Mais, devant le danger que représente ces papiers pour les familles des Résistants, il décide de les brûler. Paraît-il qu'auparavant, cette ferme avait été le P.C. du Bataillon de ROYANS ??

Afin de faire disparaître les traces de la barbarie Allemande prés de la GROTTE-DE-LA-LUIRE, les Nazis réquisitionnent des civils pour enterrer les corps des blessés qu'ils ont fusillés la veille.

Comme la veille à GIGORS, les Allemands n'ont pas pu enfoncer les positions des Patriotes. Alors, ils essayent de passer par le COL-DES-LIMOUCHES. Leur tentative échoue de la même manière grâce à l'action décisive des Gammonniers. Devant ce nouvel échec, les Boches retournent à leur cantonnement.

Samedi 29 Juillet 1944

Le lendemain, renforcés en hommes et en matériel, les Allemands attaquent à nouveau par le COL-DES-LIMOUCHES et réussissent à passer et, par LA VACHERIE, foncent vers LEONCEL qu'ils pillent et incendient plusieurs bâtiments dont l'église. Les nôtres se sont repliés à temps dans les bois de la commune de CHAFFAL.

"THIVOLLET", de son P.C. situé prés de la source DU RIMET, non loin du COL-DE-LA-ROCHETTE, envoie Yves BEESAU de l'Escadron BOURGEOIS, faire une liaison à cheval. Peu après son départ, des coups de feu sont entendus par ses camarades. Ceux-ci se précipitent immédiatement sur ses traces pour lui porter secours. La patrouille le découvre au PAS-DE-L'ECHARASSON, tué d'une balle en plein front prés du cadavre de sa monture. Poursuivant sa marche du côté de la forêt de LENTE, la patrouille constate que la ferme FERLIN est en flammes et que l'ennemi emmène avec lui un de leurs camarades du 1er Escadron appelé KAISER, Maquisard du 1er C.F. de BOURGEOIS. Plus loin, les Allemands brûlent les maisons forestières.


Maison forestière de Lente

Une patrouille, commandée par le Capitaine "ROLAND" (CHASTENET-DE-GERY), est accrochée prés de la source de MONTUEZ. Au bruit de la fusillade, BOURGEOIS essaie de se porter à son secours, en vain, il arrive trop tard. "ROLAND" et deux de ses hommes sont tués et un troisième, fou de terreur, s'enfuit dans la forêt malgré des recherches immédiatement entreprises, il ne sera jamais retrouvé.

Afin d'échapper à la faim lancinante, des Maquisards du C15 essaient de rejoindre le DIOIS dont ils sont originaires. Malheureusement pour ceux-ci, trois d'entre eux se font prendre à FOND-D'URLE. Il s'agit de Raoul BERDOUILLE, de Jean PORCHEDU et Yves ROUSSIN qui tombent dans une embuscade et sont immédiatement abattus.

De nombreux autres Maquisards affamés, essayant de passer a tout prix se font arrêter par les barrages et fusiller. Les Fritz fouillent toutes les maisons forestières, toutes les cabanes. Ils découvrent ainsi, sur le plateau des COULMES, deux Patriotes blessés qu'ils brûlent vifs dans la maison où ils ont trouvé refuge.

Partis de LA-CROIX-DU-LAUTARET, "GEORGES" et ses hommes rejoignent au CIRQUE D'ARCHIANE "BOB" et les siens qui y sont depuis trois jours. Ils veulent s'installer à la bergerie du JARDIN-DU-ROI, mais constatant qu'il n'y a pas d'eau, sont dans l'obligation de repartir aussitôt en direction du village de MENEE.

Dans le DIOIS, au CHATEAU-DES-GARDES, au début du jour, tous les Maquisards, sac au dos, sont prêts à partir, l'estomac vide. "CALVA" distribue quelques grenades, donne son sac à porter à un gars, confie son ceinturon et son colt à un autre tout en gardant par devers lui son fusil, une de ses cartouchières et sa musette à pharmacie. Dés qu'il le pourra, il devra réapprovisionner sa pharmacie, car celle-ci est pratiquement vide ayant distribuer le maximum de pansements individuels à ses nouveaux compagnons. Il a aussi conservé ses deux gammons, son tabac et ses affaires de toilette.

Il rappelle la sizaine de garde, fait ramasser les bouteilles en verre munies de leur bouchon qui traînent un peu partout, les fait nettoyer et remplir d'eau, il a un souvenir déplaisant des moments où il a souffert atrocement de la soif, ils risquent de ne pas trouver de point d'eau en route. Puis il recommande à tous de ne rien abandonner quoiqu'il arrive, surtout pas les armes. Sa petite troupe part dans la nature, longeant à distance la route qu'il estime par trop dangereuse.

La matinée est déjà fort avancée quand ils arrivent en vue de ROMEYER. Par prudence, il s'avance vers le village avec trois Maquisards armés, laissant le reste de la troupe à couvert dans les bois sous la responsabilité d'un sizainier. Il ne surprend pas les Résistants de ROMEYER, leurs sentinelles ont signalé leur présence depuis déjà quelques temps et ils sont attendus. "CALVA" retrouve avec joie le père SANTONI. Celui-ci lui remet les vivre qu'il a pu rassembler.

"CALVA" aurait souhaité être moins nombreux pour la répartition des vivres, une fois distribués, chacun en aura bien peu !! Mais il sait le mal que se sont donnés les Patriotes de ROMEYER pour réunir ces vivres. Il est très reconnaissant à l'ensemble de la population qui fait preuve à nouveau d'une très grande générosité et d'un civisme exemplaire. Il fait enlever le tout en demandant à ses gars d'attendre son retour pour commencer la distribution; puis il reste à ROMEYER pour discuter avec SANTONI et ceux qui l'accompagnent. Sur ces entrefaites, Roger SANTONI arrive. Point n'est besoin de lui poser la question, la fatigue se lit sur son visage. Une nouvelle fois, il revient de l'ABBAYE-DE-VALCROISSANT par où passent obligatoirement tous les combattants rescapés du VERCORS qui se regroupent au Sud de la rivière de la Drôme. "CALVA" lui demande avec insistance de repartir pour leur servir de guide. Il refuse en disant :

"Tu ne te rends pas compte "CALVA", mais je n'arrête plus de faire la navette ROMEYER-L'ABBAYE et je suis complètement crevé. Je ne vais pas plus loin parce que je ne connais pas suffisamment. L'itinéraire que j'emprunte évite toutes les positions tenues par les Boches. C'est plus sûr mais beaucoup plus éreintant. Il faut absolument que je récupère, après, ça ira ! !"

"CALVA" n'est pas d'accord du tout :

"Pas question que tu nous laisses tomber, mon gars ! Tu te figure, peut-être qu'on est pas aussi crevés que toi ?! Si "PAYOT" n'a pas voulu que tu montes avec nous dans le VERCORS, c'est qu'il avait idée que tu nous serais beaucoup plus utile dans la vallée. C'est le moment de le montrer, tu te reposeras à VALCROISSANT quand tu nous auras conduit là-bas !!"

La distribution des vivres est vite faite et le casse-croûte est encore plus vite avalé. Courageusement, oubliant sa fatigue ou la dominant, Roger prend la tête de la troupe et "CALVA" se met en serre-file pour être certain que tout le monde suit. La colonne s'étire lentement. Le parcours que Roger nous fait prendre, emprunte une succession de ravines afin d'éviter les hauteurs d'où les vigies ennemies surveillent les environs à l'aide de jumelles, toujours prêtes à déclencher un tir d'armes automatiques. Ce parcours est vraiment épuisant, "CALVA" comprend mieux la fatigue que doit ressentir Roger, lui-même a du mal à suivre à cause de la raideur occasionnée par sa blessure au genou. Finalement, il se décide à placer en serre-file, un jeune gars costaud pour le remplacer. Il lui sera d'un grand secours pour traverser les passages les plus difficiles, surtout lorsque la dénivellation sera importante.

Cahin-caha, au milieu de l'après-midi, ils arrivent et s'écroulent sous les murs de l 'Abbaye de VALCROISSANT. L'extrême fatigue ressentie par tous est due, en grande partie, au fait qu'ils n'ont rien mangé de bien consistant depuis plusieurs jours. "CALVA" va rejoindre Roger qui le met au courant de ce qu'il vient d'apprendre : "LA TRINGLE" du C12 est à LAVAL-D'AIX. Il l'a fait prévenir de leur arrivée par un jeune du pays. Il espère que celui-ci pourra nous venir en aide d'une manière ou d'une autre. Il lui a donné rendez-vous à un point situé à plus d'une heure d'ici. Après un repos aussi court, il est très difficile de faire bouger des gars aussi éreintés. Parvenus au but, il n'y a guère qu'une petite demi-heure qu'ils se reposent, allongés sur le sol quand ils ont la surprise de voir arriver "LA TRINGLE" avec plusieurs autres jeunes. A quatre, ils traînent un genre de grand pancho en caoutchouc dans lequel ils apportent des pommes vertes que ses gars et lui ont ramassées à notre attention en venant. C'est du reste, tout ce qu'ils ont pu trouver en si peu de temps.

Lorsque le messager, envoyé par Roger, lui a dit que, parmi les gars se trouvant à l'Abbaye, il y avait un Maquisard s'appelant "CALVA", il n'a pas voulu le croire, mais, malgré tout il a voulu s'en assurer lui-même et il est accouru aussitôt.

Au cours de la conversation qui suit leur retrouvaille, "LA TRINGLE" précise à "CALVA" qu'il a l'intention de rester à LAVAL-D'AIX puisqu'il est déjà sur place, pensant qu'il serait plus utile là qu'ailleurs. D'autre part, les jeunes venus avec lui ne veulent pas le quitter pour nous servir de guide, mais ils donnent à "CALVA" des indications très utiles. Le mieux lui disent-ils, ce serait d'aller à MONTMAUR-EN-DIOIS; pour cela, la direction la plus rapide et la plus sûre est de passer entre AIX-EN-DIOIS et SAINT-ROMAN.

Après le départ du groupe de "LA TRINGLE" qui s'en retourne à LAVAL-D'AIX, ayant remercié chaleureusement Roger pour son aide précieuse, avalé les pommes vertes et rêches après partage, la colonne "CALVA" poursuit son chemin en progressant lentement et en échelonné. En éclaireurs se trouvent "CALVA" et deux gars armés. Passant devant un verger dont les pêchers croulent littéralement sous le poids des fruits bien mûrs, "CALVA" appelle ses sizainiers et leur ordonne :

"Enlevez-moi tout ça !"

Les chefs de sizaine sont étonnés et le regardent avec de grands yeux de "merlan frit", croyant avoir mal compris.

"Enlevez-moi tout ça, remplissez les sacs !"

Cette fois-ci, pas besoin de le répéter deux fois. En peu de temps, les arbres sont soulagés de leurs fruits et la récolte engrangée dans les sacs. Le verger est vide de fruits. Le malheureux propriétaire, s'il est venu le lendemain, ne pourra que constater que sa récolte avait disparu. Il a dû se demander ce qui avait bien pu se passer.

Dimanche 30 Juillet 1944

Le jour baissant, par sécurité, "CALVA" fait gagner à son groupe un coteau couvert de buissons où chacun s'installe et trouve une place pour le nuit. Une fois installés, ils dévorent les pêches ramassées durant le trajet. Pendant ce temps, "CALVA" organise son camp en plaçant des gardes, ce qui lui paraît plus nécessaire que jamais. N'ayant aucune information sur la position exacte des Boches, il se considère à juste titre, en zone dangereuse. Il va donc faire un tour dans les environs immédiats. Il constate qu'un paysan a roulé son foin en andains et laissé une veste posée sur l'un d'eux. Est-ce un oubli ? Est-ce une vieille veste dont il veut se débarrasser ? Il suppose qu'il va revenir var le travail n'est pas fini. De temps à autre, un projecteur balaie la campagne tranquille et muette. Tranquillité inquiétante et menaçante. Il retourne à son camp provisoire et s'installe dans un buisson non loin de son porteur de sac et s'endort.

Il fait jour depuis des heures lorsqu'apparaissent les cultivateurs. Ils arrivent par le bout du champ avec une charrette tirée par deux chevaux. C'est la période du ramassage des foins. A l'aide d'une fourche, l'un au sol, ramasse le foin en énormes fourchées; puis, tenant solidement le manche de la fourche il bascule la fourchée bien au-dessus de sa tête pour aller, à pas titubants, la jeter aux pieds de l'autre agriculteur sur le char, celui-ci répartit le foin en équilibrant convenablement pour en entasser le plus possible et éviter qu'il ne glisse de la charrette. Progressivement, ils se rapprochent de la veste. "CALVA" les laisse venir, et, lorsqu'ils sont à proximité, engage la conversation. Immédiatement, il leur conseille de ne pas se retourner et de continuer leur travail pour éviter d'être repérés, car ils sont peut-être surveillés à l'aide de jumelles par les Boches.

Sa première demande est pour la nourriture. Pourraient-ils lui apporter à manger ? Le patron lui propose de venir déjeuner à midi chez lui à SAINT-ROMAN. Naturellement il refuse, n'étant pas seul, il doit penser à ses gars. Il leur suggère de rapporter, à la reprise du travail, tout le ravitaillement qu'ils seront susceptibles de trouver. Il précise aux paysans l'incapacité dans laquelle il se trouve de les payer, s'agissant là d'un acte de pure aide à la Résistance. Mais sa demande ne s'arrête pas seulement à la nourriture, il a aussi besoin d'un guide pour diriger son groupe jusqu'à la rivière "la DROME". Le patron veut bien essayer de trouver de la nourriture, mais se refuse à servir de guide. Par contre, son commis lui veut bien venir à la nuit pour nous guider dans la direction de la rivière, mais malheureusement il ne connait pas la route jusqu'au bout.

"CALVA" se trouve dans une situation où la moindre aide lui est précieuse.

"Ce qui compte le plus, mon gars, c'est la bonne volonté dont tu fais preuve et que nous nous rapprochions le plus possible de la rivière pour la traverser; après, nous nous débrouilleront comme nous pourrons !"

Une chose est certaine, ils sont dans la bonne direction....

A la reprise du travail, le patron et son commis nous apportent du ravitaillement comme prévu. Avec ce qu'ils nous ont donné, les pêches et les deux "dames-jeannes" de flotte, nous voilà parés. Ces dernières sont les bien venues car il ya belle lurette que les bouteilles qui ont été remplies à VALCROISSANT sont vides.

Et la journée s'écoule longue.... longue.

A la nuit, le commis est là. C'est un garçon courageux. Se promener par ces temps troublés, tout seul, la nuit et sans une arme, peut se révéler extrêmement dangereux.

Suivant le commis, la colonne s'ébranle, chacun s'efforce d'être le plus silencieux possible. Après un certain temps de marche, le commis nous indique la direction à suivre puis s'en retourne. La colonne poursuit sa route en silence. Progressivement, le bruit de l'eau se heurtant contre les galets leur indique qu'ils approchent de la rivière. Enfin arrivés à la DROME, "CALVA" fait planquer tout son monde dans les buissons qui bordent la rivière, car il veut étudier le passage de celle-ci. Ses yeux se sont habitués à l'obscurité et il devine les formes et courbes de la DROME. Il observe longuement les alentours et va seul faire une petite reconnaissance.

Après un examen minutieux des lieux, l'endroit qui lui paraît le plus approprié pour traverser, se situe dans un coude même si la DROME parait plus large à cet endroit. En effet, il y a sur la rive opposée un écran d'arbres qui doit pouvoir masquer le faisceau lumineux du projecteur qui balaie la surface de l'eau à intervalles irréguliers. Plus que la largeur à franchir, sa préoccupation première est la profondeur. Le lendemain, ils seront au mois d'Août et la période est normalement un gage de faible débit d'eau. Cependant, cette année, avec les pluies des derniers jours, les eaux sont hautes et le dernier des guides lui a bien dit de se méfier des trous d'eau qui peuvent être très profonds et donc dangereux.

"CALVA" rassemble ses chefs de groupe. Il leur expose son plan : Il va ouvrir la route et rechercher un gué praticable, attaché à sa corde de parachute. Il sera suivi à plusieurs mètres de distance par le gars chargé du port de son sac. S'il venait à disparaître dans un trou d'eau, celui-ci l'en sortira en le ¬tirant vers l'arrière. Si rien de désagréable ne se passe, derrière, au fur et à mesure de son avance dans la traversée, le chemin pris dans l'eau sera jalonné environ tous les dix mètres par un gars. Dans la rivière, ils devront s'accroupir dans l'eau pour éviter un éventuel repérage. Le dernier de la colonne remontera les "hommes-jalons" un par un pour venir se positionner devant la colonne et ainsi de suite jusqu'à la traversée complète des groupes. A chaque passage du faisceau lumineux du projecteur rasant la surface de la rivière, les "hommes-jalons" devront s'enfoncer dans l'eau. Si la tentative vient à échouer, repli en vitesse et chacun pour soi.

Dés que "CALVA" abordera l'autre rive, il vérifiera si la route est libre et fera prévenir les autres.

La traversée de la DROME commence. Elle sera beaucoup plus facile que prévu. La chance aidant et les gars y mettant tellement de bonne volonté que ce passage obligé sera franchi sans encombre. Suivant le scénario imaginé, dés qu'il a atteint la route qui longe la DROME, "CALVA", tout en surveillant les deux côtés de celle-ci, donne le signal du passage libre. Chaque fois qu'un gars arrive jusqu'à lui, il l'expédie à l'orée du bois. Quand le dernier est à son niveau, les premiers ont déjà remonté le pré d'en face, et, cent mètres plus loin, se sont arrêtés à sa lisière pour attendre les copains.

"CALVA" est soulagé, il lui semble bien que le plus difficile est passé. On va coucher dans le bois; il laisse à ses chefs de groupe le soin de désigner les hommes de garde. Sa seule exigence, vu la fatigue des hommes, c'est que celle-ci soit montée par deux sentinelles en même temps afin d'éviter toute surprise désagréable. Les gardes resteront "planqués" à l'orée du bois tandis que les autres s'enfonceront dans celui-ci pour dormir. Auparavant, ils essorent leur pantalon et engloutissent quelques pêches; puis, en silence, ils cherchent un coin le plus confortable possible pour s'étendre et se reposer à même le sol entre les arbres protecteurs.

Sur le plateau du VERCORS, les liaisons continuent entre P.C. et Maquisards. C'est ainsi que, parti de son P.C. de l'ESCOULIN, au mépris du danger que constituent ces déplacements, "LEGRAND" avec une patrouille de protection, passe par AMBEL, puis traverse de vastes étendues infestées de troupes ennemies pour rejoindre en fin de matinée, le P.C. de "THIVOLLET" situé prés de la source DU RIMET.

Après avoir fait le point de la situation tant dans le VERCORS que dans le Sud du département de la DROME; après avoir regretté de n'avoir pu joindre "HERVIEUX", chef de l'ensemble du dispositif, parti en inspection et sans pouvoir atteindre "BATARD", "LEGRAND" donne a "THIVOLLET" un pli à remettre à "HERVIEUX". C'est une nouvelle demande pour obtenir une accélération des parachutages d'armes et de munitions, ainsi que de nouvelles instructions.

A la tombée de la nuit, "LEGRAND" et son escorte repartent pour regagner leur P.C. de ESCOULIN. Ils empruntent le même chemin : La forêt de LENTE, puis AMBEL. Faute de pouvoir occuper tout le terrain, l'ennemi garde les points de passage obligés et patrouille avec des moyens très importants en hommes et matériel. Contrairement aux nôtres, ses troupes sont en liaison radio permanente. De ce fait, le déplacement de plusieurs hommes à découvert est signalé immédiatement et facilement intercepté par des barrages mis rapidement en place, appuyés par des armes automatiques.

La 3ème Compagnie qui, la veille, s'est repliée dans les bois de CHAFFAL, a reçu l'ordre de rallier la ferme d'AMBEL où fût formé le C1. Avant l'aube, nos combattants font mouvement par les gorges d'OMBLEZE en suivant la GERVANNE. Ils sont presque arrivés au village d'OMBLEZE lorsqu'ils tombent dans une embuscade. Les Allemands tirent à vue avec des mortiers et des mitrailleuses. Ayant pris le COL-DE-LA-BATAILLE, les Nazis sont redescendus sur le village d'OMBLEZE qu'ils ont occupé sans combat. Devant le déluge de feu, nos Maquisards sont obligés de se replier avec leurs blessés. L'un d'eux est grièvement atteint et décèdera le soir même. Les rescapés de l'embuscade se réfugient à ANSAGE où se trouvent leurs camarades de la 9ème Compagnie du Capitaine "MORIN".

Plus au Nord, toujours partis du COL-DE-LA-BATAILLE, une autre colonne ennemie se dirige vers BOUVANTE-LE-HAUT, ce qui oblige BOURGEOIS et ses hommes à se réfugier sur la pente où ils prennent position en silence afin d'éviter de se faire repérer. Jusqu'alors, leur ravitaillement était difficile et peu brillant; maintenant, comme pour la plupart des Maquisards restés sur le plateau, il va devenir extrêmement précaire, sinon inexistant. C'est le but recherché par les Allemands qui essayent d'affamer les Résistants afin de les obliger à regagner la plaine où il leur sera plus facile de les arrêter et de les anéantir. Ils appliquent la politique de la terre brûlée en détruisant systématiquement toute source de ravitaillement. Leur plan réussira en partie, car, affamés, beaucoup des nôtres le payeront de leur vie, cherchant à rejoindre des lieux plus hospitaliers.

A MALATRA, tout prés de BOUVANTE-LE-HAUT, par pure vengeance, les Nazis abattent madame Marie THOMAS-LAPLACE âgée de 62 ans. Dans la forêt de LENTE, au MANDEMENT, ils pendent par les pieds jusqu'à ce que mort s'en suive, deux civils. Cruauté suprême, ils sont pendus attachés dos à dos et suspendus à quelques centimètres du sol. Il s'agit de messieurs JALLIFIER et LESCHE. Ces deux pauvres victimes seront retrouvés mortes, et, détail affreux, leurs bouches étaient pleines de terre. D'après le médecin légiste consulté, ils ont dû agoniser durant quatre à cinq jours. Hélas, ils ne seront pas les seuls à être victimes de la barbarie Allemande. Partout, des exactions et des crimes odieux sont commis par ces soudards. Ils resteront à jamais une honte pour la Wehrmacht et ses chefs.

Par ailleurs, à l'aube, deux groupes de Maquisards, celui de "GEORGES" qui a bivouaqué au CIRQUE-D'ARCHIANE et celui de "BOB" au JARDIN-DU-ROI, réunis en colonne, se dirigent vers BENEVISE. Arrivés là, ils se séparent : "BOB" essaie de passer dans le TRIEVES par le COL-DE-MENEE où il fait une halte et "GEORGES", de son côté, monte sur le plateau qui domine BENEVISE d'où il peut observer les allées et venues des Fritz tant sur la route de MENSAC au COL-DE-MENEE, qu'à ses pieds, de la route de MENEE à ARCHIANE......Il couche dans une grange pleine de lavande à l'odeur entêtante.

"LEGRAND" vient à peine de quitter le P.C. de "THIVOLLET" que les Allemands attaquent celui-ci. "THIVOLLET" venait de confier à "LEGRAND" son intention de descendre dans la plaine pour pouvoir, d'une part, se ravitailler plus facilement, d'autre part, essayer de desserrer l'étau et harceler l'ennemi sur ses arrières en lui tendant des embuscades. L'ennemi a donc renversé les rôles en attaquant le P.C. de "THIVOLLET".

Au prix d'un repli acrobatique dans la falaise surplombant BOUVANTE-LE-BAS, au-dessus duquel il avait installé son camp, "THIVOLLET" réussit à se dégager. Dans les combats, "JOCKEY" (Edward HAES) est capturé par les Boches; ceux-ci fous de haine et de rage de n'avoir pas réussi à encercler complètement le P.C. s'acharnent sur lui et l'écartèlent. Un tirailleur Sénégalais a plus de chance. De garde avec "JOCKEY", il est blessé et évacué avant l'encerclement complet. Après l'engagement, les Boches se retirent en emmenant un des leurs, tué.

Le plus dur à supporter pour les nôtres, c'est le manque de nourriture. Evidemment, des patrouilles de Maquisards réussissent à pénétrer dans les villages du ROYANS occupés par l'ennemi. Les habitants font des prodiges pour essayer de rassembler pain, viande, fruits et légumes, etc...ect... De nuit, le tout est tracté par les câbles qui, autrefois, servaient à descendre les bois. De même, la nuit, des patrouilles vont se ravitailler en eau. Mais le nombre de combattants est important; cela pose un problème pratiquement insoluble et entraine de très dures épreuves pour tous. De plus, la sécurité exige des Maquisards de ne faire aucun feu pouvant trahir leur présence. Alors pas de possibilité de cuire quoique ce soit. Mais, malgré le danger, plusieurs patrouilles circulent. C'est ainsi que l'une d'elles découvrira prés de MALLEVAL, dans une maison forestière incendiée tout prés de la source de BURY, les corps calcinés de deux Maquisards.

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Suite...

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