ATTAQUE DE VASSIEUX

1ère partie

De notre poste d'observation, en position au col SAINT-ALEXIS, nous assistons, impuissants, à l'attaque ultra-rapide des Allemands. Les planeurs se collent littéralement aux maisons, atterrissent sur les routes et les chemins sortant de VASSIEUX. Une vive fusillade éclate aussitôt. Nous entendons très nettement le bruit caractéristique de la mitrailleuse de "FEND-LA-BISE" qui tire par bandes entières. D'ici, nous savons qu'il ne pourra pas tenir longtemps, il va être pris de revers par les Boches qui ont débarqué entre le village et lui.

Nos compagnons du Cl2, en principe, n'ont pas de F.M. et les combattants des autres camps qui sont éventuellement à VASSIEUX à cette heure, n'ont qu'une mitrailleuse et un F.M. De notre endroit, nous apercevons très distinctement en direction de la poste, la flamme allongée d'un lance-flammes. Pour être plus précis, elle se présente vers la descente à la sortie de VASSIEUX, en direction du hameau de LA MURE. Dans VASSIEUX même, la fusillade diminue d'intensité au fur et à mesure que nos camarades tombent, l'un après l'autre. "HARDY" et neuf des gars du C12 sont tués en combattant. On retrouvera prés de leur corps des tas de douilles de balles Anglaises. C'est dire l'âpreté de la lutte, la volonté de vaincre, l'ardeur au combat et surtout la violence des duels individuels de chacun d'entre eux. Volonté désespérée. Dans ces moments, l'être tout entier se sublime. Qu'ont-ils pensé au moment du sacrifice suprême ?

Le Sous-lieutenant GOMBOS est tué à son F.M. et le Lieutenant GRIMAUD à sa mitrailleuse. Quant à "PAQUEBOT", attaqué dans son P.C. de la poste, il téléphone précipitamment à "THIVOLLET" pour mettre celui-ci au courant de l'attaque des planeurs. Il signale que, vu l'importance des moyens déployés par les Allemands, la défense du terrain d'atterrissage est inexistante; qu'il est attaqué au lance-flammes (c'est celui que nous avons localisé de notre poste d'observation du col SAINT-ALEXIS, en direction de la poste) et qu'il se défend à l'aide de grenades qu'il balance sur ses agresseurs dans le couloir. Pour échapper à ses poursuivants, il saute par la fenêtre de la poste et se reçoit mal. Une douleur intense lui vrille tout le corps. Est-ce une fracture ou une entorse ? Il n'a pas le temps de s'apitoyer sur son sort, il doit faire vite ! Il se traîne tant bien que mal jusqu'à une grosse buse en ciment, qui se situe dans le trou de la CARCARINE dans lequel s'évacuent les eaux de pluie. Il réussit à s'y cacher pour attendre la nuit. Il est vraiment en très mauvais état; outre sa cheville blessée, il est brûlé à la face par des "éclaboussures" du lance-flammes. Après que soit tombée la nuit, il se trainera durant des heures pour atteindre l'orée du bois à l'Ouest de VASSIEUX où il aura la chance extraordinaire d'être secouru.

Dans ce combat rapproché, il a été séparé de son ami Victor BOIRON, l'entrepreneur de Travaux Publiques responsable de l'aménagement de la piste d'atterrissage de VASSIEUX. Victor BOIRON et Emile COULET, le conducteur d'un tracteur utilisé pour niveler le terrain, se cachent dans la cave d'une maison détruite. Le 24 Juillet, ils seront découverts par les Nazis qui fouillent les ruines.

Ils sont alors emmenés à LA MURE. Là, BOIRON est empalé. Quelques heures plus tard, il est délivré par un Allemand un peu moins barbare. Par la suite, tous les deux, malgré la blessure de BOIRON, sont employés à ramasser les morts et à les enterrer dans un trou de bombe, qui doit servir de fosse commune. Leur calvaire ne s'arrêtera pas là. En effet, ils sont emmenés tous les deux vers un lieu où ils ont la certitude d'être fusillés. En cours de route, ils profitèrent d'une incroyable circonstance pour s'évader, rejoindre SAINT-JULIEN-EN-QUINT où ils auront la chance de venir en aide à la "MEME" BORDAT en la cachant dans les buissons.

Quant aux travailleurs amenés pour effectuer l'aménagement du terrain, Victor BOIRON vient juste de leur assigner leur tâche pour la finition du terrain, lorsque les planeurs leur tombent dessus. Ces travailleurs ne sont pas armés naturellement. C'est un sauve-qui-peut général. Hélas, bien peu arriveront à se sauver. Les Allemands en rassemblent un certain nombre dans la scierie et les fusillent. Sur quatorze jeunes polonais, seul Edouard RENN aura la vie sauve, réussissant à rejoindre l'équipe dirigée par Marc BRUNEL. Ce dernier vient juste d'être blessé assez gravement à la tête. Font partie des personnes du même groupe : les TRIAL, père et fils; deux blessés légers des premières minutes, les ANJALBERT, Georgette et Loulou; plusieurs autres personnes dont Camille BREYTON venu le matin même se ravitailler à VASSIEUX ainsi que Georgette FRENOIN et un gosse d'une douzaine d'années qui essaie de s'enfuir. Tous se terrent dans le fond de la grotte et appréhendent ce qui peut arriver. En effet, les Allemands ont installé une mitrailleuse juste au-dessus de leur abri, qui leur semble présentement bien précaire. C'est à la faveur de la nuit qu'ils saisiront l'occasion de s'échapper.

Des civils de VASSIEUX sont abattus dans le village en ruine : Anaïs JAVELLAS épouse MORIN, âgée de 74 ans et Paul FERLIN, 73 ans. Par contre, plusieurs personnes réussissent à se sauver : Robert ROCHE, arrivé la veille avec son camion pour participer aux travaux sur le terrain, Charles PHILIBERT et Ermine CARNIEL du C11, se trouvent avec lui. Ermine CARNIEL a été envoyé en mission à VASSIEUX lorsque l'attaque se produit. Aucun des trois n'est armé. Les deux premiers cherchent à fuir vers le col de LACHAU. Charles PHILIBERT n'a pas de chance, il fonce le premier et se fait tué net; par contre, son compagnon réussit à traverser tout le champ, mais, juste avant d'arriver à la lisière du bois, il est touché par une balle qui lui traverse la cheville. En rampant, il parvient à se cacher dans un buisson. Il attend la nuit. Lorsqu'elle est descendue, il rejoint lentement et très difficilement une petite cabane, où s'est déjà réfugié monsieur Elie FERMONT, qui se situe non loin du col de LACHAU. Quant à Ermine CARNIEL, il se réfugie d'abord dans le clocher de l'église de VASSIEUX, mais trouve le lieu peu sûr et craint d'être lui aussi découvert, il se planque alors contre le mur du cimetière envahi par les orties. Comme les autres, il parviendra à s'échapper de la fournaise ainsi que le Lieutenant RIFFET qui s'était caché dans une ruine.

Dans ce combat, les Fridolins ont aussi des pertes. Dés le début de l'attaque un planeur est abattu par nos mitrailleuses et va s'écraser dans le hameau de LA MURE. Un autre, atteint, percute la ligne électrique et s'écrase. Les Allemands reconnaîtront que, rien que pour l'atterrissage, ils ont eu 29 tués et une vingtaine de blessés très gravement atteints. Dans ce bilan ne figure pas les autres blessés.

Au hameau de LA MURE :

Aussitôt débarqués de leurs planeurs, les S.S. aéroportés du bataillon JUNGWIRTH foncent vers le hameau de LA MURE. Le peloton de Tcherkess du Lieutenant PHILIPPE n'est protégé que par deux sentinelles qui, surprises, sont arrêtées. Les autres sont encore couchés. Ils tentent de fuir et plusieurs d'entre-eux se réfugient dans le fournil de la ferme de monsieur Aimé ALGOUD. Les jeunes S.S. mettent le feu au fournil, ils seront tous brûlés vifs. Seul le Lieutenant PHILIPPE, blessé, parviendra à s'échapper et à rejoindre SAINT-AGNAN où il sera soigné aussitôt.

On retrouvera les corps des autres Maquisards un peu partout aux environs de la ferme. Les deux sentinelles prises par surprise, sont martyrisées et pendues. Entre autres atrocités, les S. S. les ont émasculés.

Les Nazis mettent le feu à la remise d'Aimé ALGOUD où se sont réfugiés des civils. On identifiera les corps calcinés de monsieur Paul MARTIN, 54 ans; de sa femme Fabienne, née BARNERIE, 43 ans; de sa fille Alice, 16 ans; de son frère Pierre, 59 ans; de la femme de ce dernier, madame Marie CHICHILIANNE, 48 ans et de la mère du Maire, madame Adeline BEGUIN, 67 ans. Ils ont tous été brûlés vifs. A proximité, dans la grange de Louis BARNERIE, ils incendient le bâtiment y enfermant Paul BARNERIE, 54 ans; Yvette BUREL, épouse BARNERIE, 38 ans et leur petite fille Lysiane, 19 mois.

Dans sa maison, ils tuent madame Adrienne FERMONT, 78 ans et dans son champ monsieur Marius CHICHILIANNE, 73 ans. Monsieur Paul Adrien FERMONT, 56 ans, réussit à s'échapper, mais les Boches mettent le feu à la cabane où il a trouvé refuge avec sa femme Louise, née SIBEUD, même âge, impotente qui est, elle aussi, en même temps que son mari, brûlée vive.

Au hameau du CHATEAU :

Il n'y a pas de Maquisards à ce moment-là dans le hameau. Les S.S. accompagnés par des Miliciens surprennent monsieur Firmin BLANC, 64 ans et ses filles Suzanne, 20 ans et Jeanne, épouse MARTIN, 25 ans, en train de faire les foins. Suzanne arrête son travail et se précipite en direction de la ferme poursuivie par de jeunes S.S. excités qui entrent à sa suite dans la ferme en hurlant. Se trouvent là : madame Joséphine BLANC, née EMERY, secrétaire de Mairie à VASSIEUX, 60 ans; la sœur de Firmin BLANC, Martine EMERY, 55 ans, qui est la propriétaire de la maison; madame Andrée BLANC, née PLONQUET, 30 ans qui s'occupe de ses quatre enfants : Arlette 12 ans; Jacqueline, 7 ans; Danielle, 4 ans et le petit dernier Maurice, 17 mois.

Les S.S. lancent des bombes dans la maison. Sont tués sur le coup, madame Joséphine BLANC, Martine EMERY, Suzanne BLANC, Jacqueline BLANC, Danielle BLANC. Pris sous des enchevêtrements de poutres et de gravats, le petit Maurice décédera le lendemain. Madame André BLANC, les jambes écrasées, survivra encore quatre longs jours et succombera sans avoir été secourue. Quant à Arlette BLANC, c'est après six jours d'agonie que coincée milieu des cadavres de ses parents, dans une chaleur épouvantable, environnée d'un essaim de mouches attirées par les corps en décomposition, elle sera secourue après cet épouvantable calvaire, par quatre habitants de VASSIEUX dirigés par l'infatigable et miséricordieux abbé GAGNOL. Transportée à SAINT-AGNAN et immédiatement soignée, elle décédera le 31 Juillet 1944, victime de la barbarie ignominieuse des Allemands. Son chemin de croix aura duré dix longs jours.

Une grotte située à FONTCLAIR, tout à proximité de la ferme BARNERIE à quelques centaines de mètres du hameau du CHATEAU, voit arriver pour se réfugier Jeanne BLANC, épouse MARTIN et son père Firmin BLANC. Ils viennent y rejoindre monsieur BONTHOUX, 53 ans, nouveau maire de VASSIEUX; Martial BERTHET ans; madame BERTHET, née JALLIFIER, 40 ans, épouse du Maire; sa fille Suzanne, blessée au pied; madame Aline BONTHOUX et ses deux filles jumelles de 1 mois; madame Noël EMERY et son fils Lucien, 4 ans; Berthe ALGOUD; Alice GIROUD, 10 ans, blessée dans le dos. Les S.S. font sortir tout le monde et fusillent immédiatement Firmin BLANC et Martial BERTHET, le Maire. Est-ce parce qu'il fait plus vieux que son âge ? le père BONTHOUX est épargné ! !

Jeanne BLANC venait de perdre neuf membres de sa famille. Elle réussit par miracle à échapper au massacre et à rejoindre DIE. Pour toute famille, il ne lui restera que son frère André, absent ce jour-là du hameau, mais qui décédera en Allemagne.

Les Nazis tuent sans distinction tous ceux qui fuient. Ainsi, ils abattent madame BONTHOUX, née TESTON, 72 ans et les frères André et Charles BONTHOUX âgés respectivement de 24 et 32 ans. Pierre REVOL, blessé, réussira à leur échapper et rejoindra les bois où il sera soigné par l'abbé GAGNOL.

Au hameau des CHAUX :

Madame Lucette GUILLET née BRETON se trouve chez le "PEPE" et la "MEME" BORDAT qui eux-mêmes se sont réfugiés aux CHAUX depuis que le 16 Avril 1944, les Miliciens ont brûlés leur chalet du col du ROUSSET.

En voyant se poser le planeur à COTE-BELLE et les Allemands qui, dés qu'ils ont sauté du planeur, tirent sur tout ce qui bouge, tous les trois fuient vers les bois. C'est à ce moment que le "PEPE" s'aperçoit que, dans la précipitation, il a oublié son portefeuille dans la maison qu'ils viennent de quitter. La "MEME", avec son courage habituel, fait demi-tour pour aller le chercher. Elle voit arriver un Maquisard. C'est Louis MEYMET qui lui crie :

"Madame, les Allemands arrivent, cachez-moi vite !"

La "MEME", prise de court, le pousse sous son lit et sort rejoindre le "PEPE". Les Boches qui arrivent à ce moment, lui tirent dessus. Elle est atteinte au genou. Malgré la souffrance, elle poursuit sa route dans les bois et échappe ainsi à leur tir. Les Allemands, rendus très prudents à la suite des nombreuses pertes subies, n'ont aucune envie de la poursuivre dans les bois infestés de "Terroristes", elle est momentanément sauvée.

Ce n'est pas du tout la même chose pour le Maquisard caché sous le lit. Les Nazis entrent dans la maison et se mettent à fouiller partout. Pour se défouler de l'angoisse qu'ils ont dû supporter au moment du transport aléatoire et dangereux sur le planeur, ils transpercent avec rage la literie à la baïonnette, sans se douter qu'il y a un gars sous le lit. Louis MEYMET est blessé à la poitrine. Il reçoit ce coup sans broncher, ce qui lui sauve la vie. En se retirant, les Allemands lancent une bombe incendiaire à l'intérieur. Le blessé, perdant son sang, sort de la maison en flammes sans être repéré par les Boches et parvient à gagner les bois. Il sera secouru par un de ses copains, réfugié sous le couvent.

Il n'en est pas de même pour madame Adèle BERTHET et de son fils Fabien qui sont tous deux abattus pendant que son deuxième fils réussi à s'échapper.

Au hameau de JOSSAUD :

A la suite du bombardement du 13 Juillet 1944 sur VASSIEUX qui a fortement endommagé la poste; la postière, madame Irma FAVRE s'était installée chez ses filles dans la ferme de madame Julien GUILLET. Les "Mongols" sortis d'un planeur entrent dans la ferme et arrêtent messieurs Léon FAVRE, 55 ans; Martial GARAGNON, 45 ans; le fils de madame GUILLET, André, 24 ans ainsi que le gendre de madame FAVRE, Aimé DUBOURG, 28 ans. Avec eux, il y a également la petite nièce de madame GUILLET, Renée BERTHET, âgée de 13 ans.

Les Allemands les font tous sortir de la maison et emmènent les hommes, bras en l'air, à quelques dizaines de mètres de la ferme et les abattent froidement d'une rafale de mitraillette dans le dos. Pendant ce temps d'autres soudards lancent des bombes incendiaires par la porte et les fenêtres qui embrasent en quelques secondes l'ensemble de la maison. L'un des participants à cet acte de sauvagerie s'exprime en excellent Français :

"Maintenant, allons au CHATEAU !"

Les femmes se sont regroupées et essayent de gagner les bois. Pour cela, elles doivent traverser le pré qui jouxte la ferme. Pour s'amuser, un Boche, monté sur un tas de pierres, s'amuse à faire des "cartons" sur les fugitives avec son revolver. Madame GUILLET et sa nièce Renée sont toutes les deux atteintes par des balles. Si la blessure de madame GUILLET est sérieuse, celle de Renée est catastrophique. Elle a une main presque arrachée. Au bout de cinq jours, elle n'a toujours pas pu être soignée. L'une des filles de madame FAURE tente de sortir du bois pour aller chercher de l'aide. Les S.S. et les Mongols ont été heureusement remplacés par des troupes régulières venant du DIOIS. Lorsque la fille sort du bois, ils tirent en l'air pour l'effrayer; madame FAURE craignant le pire, se précipite à son tour hors du bois. Les Allemands les questionnent pour savoir si elles savent où se trouvent les "Terroristes". Devant leur impossibilité de les renseigner, ils leur interdisent de regagner les bois et leur assignent une porcherie épargnée par le feu pour qu'elles s'y installent. Ils repartent vers VASSIEUX pour en revenir quelques instants après leur rapporter, outre du pain, des pansements pour soigner Renée. Ils conseillent vivement de l'emmener à l'hôpital, pour la faire soigner, avant que la gangrène ne s'y mette comme ils le craignent. Après deux jours de marche épuisante, elles réussissent à gagner DIE.

Madame Elie GAUTHIER, 48 ans, se trouve dans sa ferme avec sa fillette de 4 ans. Elle est seule, son mari Elie, 39 ans, vient juste de la quitter pour aller travailler aux champs; lorsque la soldatesque ennemie se présente.

Les Allemands les font sortir de la ferme et lancent une bombe incendiaire à l'intérieur. La ferme brûle comme une torche. Quant à Elie GAUTHIER, on retrouvera son corps bien plus tard dans un champ de JOSSAUD.

Au hameau des GRANGES :

En ce matin du 21 Juillet 1944, il semble bien que les Allemands ont fait porter leur effort exclusivement sur VASSIEUX et les hameaux avoisinants où ils pensaient rencontrer la plus grande résistance. Ils ne sont donc pas intervenus tout de suite au hameau des GRANGES, ce qui a permis aux habitants, voyant les fermes et habitations brûler un peu partout, de prendre le large et de gagner les bois. Il est certain que les bois ont permis à la population civile de se sauver et d'épargner ainsi beaucoup de vies. Après maintes misères, surtout pour les enfants et les vieillards, la plupart des habitants rescapés rejoignent la région de SAINT-JULIEN-EN-QUINT.

Au hameau des CHAPOTIERS :

Monsieur Charles ALLARD, dont l'hôtel a été atteint par les bombes incendiaires Allemandes le 13 Juillet lors du bombardement de VASSIEUX, a trouvé refuge avec toute sa famille aux GRANGES. Monsieur Elie TESTON son beau-père vient d'atteler ses chevaux pour partir faucher ses prés quand les planeurs apparaissent dans le ciel de VASSIEUX. Au bruit de la fusillade et à la vue des incendies qui se propagent un peu partout, il s'empresse de faire évacuer les lieux à toute sa famille en direction des PIAROUX, à l'ancienne ferme du Grand-père. Quant à monsieur Charles ALLARD, accompagné par l'instituteur Georges MAGNAT, 24 ans; il est parti à la ferme des CHAPOTIERS pour abattre deux vaches que la Résistance a achetées à un cultivateur de VASSIEUX. L'instituteur est en train d'allumer une cigarette lorsqu'ils sont, tous les deux, abattus par les Allemands qui débarquent du planeur que nous avons vu atterrir prés de nous.

Au col de SAINT-ALEXIS :

Le C12 s'est installé en position de combat de chaque côté de la route avec des guetteurs décalés pour éviter tout débordement éventuel. Partout, les colonnes de fumée nous signalent la progression de l'ennemi. Peu à peu les tirs se raréfient et nous nous faisons un mauvais sang fou pour nos copains, pour les travailleurs civils du terrain d'atterrissage et pour la population civile, car nous connaissons bien la cruauté des S.S. et les représailles qu'ils vont avoir à subir de la part de ces bêtes fauves.....

Une bonne demi-heure après l'atterrissage des planeurs, nous voyons arriver sur la route un jeune garçon d'une douzaine d'années. Il nous déclare que, lorsqu'il a vu les Allemands, il a pris ses jambes à son cou et a foncé vers la gauche de la route pour profiter de la dénivellation qui se trouve après la scierie MAGNAN, dans notre direction. Nous l'expédions à "GRANGE" au col du ROUSSET pour qu'il soit évacué dans le DIOIS.

Ce que vient de faire ce garçon nous encourage; car, s'il a pu décrocher comme cela, nous espérons que d'autres ont pu le faire aussi. D'autre part, nous ne savons pas si les ouvriers étaient tous arrivés sur leur lieu de travail.....Nous sommes pleins d'espoir et quelques minutes plus tard, comme pour confirmer celui-ci, nous avons l'immense joie de voir arriver "LA LOULE" (Louis PHILIPPE) du C12, qui était à VASSIEUX, de service dans l'équipe réduite que le C12 avait laissée comme défense du terrain. Il nous explique que, vu l'importance de l'attaque, vu surtout que le plus grand nombre de planeurs avaient atterri sur le terrain, il s'est dit : Ils sont tellement nombreux que si je fonce parmi eux, ils hésiteront à me tirer dessus de peur de toucher en même temps leurs copains..... En réalité, la plupart des planeurs étaient déjà vides et les Boches déjà installés dans VASSIEUX bien trop occupés à combattre pour surveiller leurs arrières. Ce qui lui a permis de prendre de la distance avant qu'ils aient eu le temps de réagir. Il se payera même le luxe d'abattre d'un coup de feu un Allemand retardataire (peut-être un radio) qui était en train de sortir d'un engin pas loin de lui. Après une bonne course à pied, sac au dos et fusil à la main, pour se mettre hors de portée; il est obligé de s'arrêter pour reprendre son souffle. Puis il reprend sa marche en direction du col de SAINT-ALEXIS qu'il aborde décalé par précaution, ne sachant pas entre quelles mains est le col. Il nous dit, très décontracté :

"Dans le fond, ça s'est passé plus facilement que je ne l'aurais cru !"

Il faut tout de même admettre qu'il revient de loin. Alors les espoirs les plus fous naissent en nous : Ce que "LA LOULE" a fait, d'autres ont dû le réussir !!

Hélas, la matinée s'écoulera sans que d'autres copains ne nous rejoignent. Mais nous voulons croire au miracle, nous nous accrochons à l'espoir. "LA LOULE" essaie d'entretenir cet espoir en nous faisant entrevoir la possibilité que d'autres aient pu se "tirer" par le bas de VASSIEUX en direction du col de LACHAU ou vers LES DRAYES. Il nous précise qu'il a monté la garde de nuit, quand les planeurs ont atterri il était couché et les circonstances du combat l'ont empêché de rejoindre les autres, il est parti en retard, après eux.

Nous n'avons aucune confirmation que "LA MAURICAUDE" ait pu remplir sa mission, d'avertir "GRANGE" de la situation. Nous décidons d'envoyer "TRENTE-SIX" avec la même mission, mais cette fois-ci en empruntant les bois, car nous craignons toujours que l'ennemi n'ait débarqué derrière nous, et attaque le col du ROUSSET éloigné de nous d'environ sept kilomètres. A cette distance et avec la configuration du terrain, il est à peu prés certain que nous serions dans l'impossibilité de nous en rendre compte. Depuis le temps qu'il est parti, il devrait être de retour, nous redoutons que la "MAURICAUDE" tout rusé qu'il soit, ne se soit fait "cravaté" par les Fridolins.

Le temps se gâte. Une pluie froide, dense et régulière commence à tomber. Puis c'est l'orage, ce sont de véritables trombes d'eau, nous sommes vite trempés, gelés n'ayant malheureusement pas d'imperméable. Mais il en faut bien plus pour nous abattre. Nous sommes étonnamment calmes, conscients de notre capacité à nous défendre d'une attaque éventuelle, nous nous sentons forts. D'ailleurs, ne sommes nous pas encore vingt-neuf anciens ? ("LA MAURICAUDE" et "TRENTE-SIX non comptés) dont vingt ont déjà combattu et dix jeunes arrivés depuis le 8 juin 1944 (dont deux ont fait leur preuve au baptême du feu de SAINT-NIZIER). Nos trois F.M. sont servis par des tireurs expérimentés : "LA TORNADE", "PHEBUS" et "SEPPI". La totalité des anciens est constituée par des tireurs de très bon niveau tant au fusil qu'aux armes automatiques. Notre capacité de feu est intacte et nous sommes trente-neuf gars bien décidés dont vingt-deux ayant déjà vu le feu. Nous n'avons donc qu'un seul souci, le sort de nos camarades de VASSIEUX…

L'après-midi se passe lentement, monotone sous l'orage. Aucune manifestation de l'ennemi. Il ne reçoit aucun renfort aérien. Vers 14 heures, à l'occasion d'une éclaircie, un bombardier Allemand vient vider ses soutes sur la ferme BERNARD où nous avons été logés. Est-ce parce qu'il y prés d'elle une voiture ? Est-ce le prologue d'une nouvelle attaque ?? Nous l'ignorons, toujours est-il que cet avion détruit la ferme mais en même temps notre récepteur de T.S.F. installé sous le hangar. Nous pouvons lui dire adieu ! !

Pendant ce temps, que se passait-il ailleurs ??

Sur le front Est du VERCORS :

Dés l'aube de ce 21 Juillet 1944, les chasseurs Bavarois de la 157ème DI, partis de LA-BATIE-DE-GRESSE, testent prudemment le PAS DES BACHASSONS, mais n'arrivent pas à progresser. Essuyant des pertes, ils n'insistent pas et reviennent à LA-BATIE. Renforcés, ils repartent, mais cette fois-ci, vers le PAS-DE-LA-SELLE où ils essayent de s'infiltrer sans succès.

Partis de CHICHILIANNE, d'autres chasseurs ennemis de la 157ème DI progressent difficilement sur les pentes abruptes qui mènent au PAS-DE-L'AIGUILLE. Ils veulent s'en emparer, mais il est défendu par la section commandée par le Lieutenant BLANC. Ils sont arrêtés dans leur progression par des tirs meurtriers des nôtres. Ils ont plusieurs tués et de nombreux blessés. Une autre attaque pour s'emparer du PAS-DE-LA-VILLE se solde elle aussi par un échec et cinq chasseurs Bavarois sont tués.

Mais il faut savoir que deux PAS : Celui de LA-SELLE et des CHATTONS sont très faiblement tenus par nos troupes. Une poignée d'environ dix hommes avec un seul F.M. sous les ordres du Sous-lieutenant "POTIN" (DEMARET) défend l'accès de chaque PAS. C'est notoirement insuffisant devant l'assaut de très nombreux assaillants bombardant nos courageux combattants à l'aide de leurs mortiers.

Nous connaissons bien le PAS-DE-LA-SELLE pour l'avoir monté à skis. Nous savons donc qu'il n'est pas très escarpé et, à la nuit, malgré une résistance acharnée de nos gars, les Bavarois réussissent à prendre pied sur les crêtes. Durant le courant de la nuit, ils renforcent leur position et amènent plusieurs pièces d'artillerie de montagne et de nombreux mortiers.

Sur le front Nord du VERCORS :

Les Allemands se dirigent vers VILLARS-DE-LANS et se font attaquer prés de JAUME, par les chasseurs de la 1ère compagnie du 6ème BCA. Les Fritz, alors, font front et contre-attaque en direction de la CROIX-PERRIN.

Le peloton BOUCHIER du 11ème CUIR, qui défend l'entrée du vallon de la NARCE, est attaqué à son tour. Il résiste victorieusement aux premiers assauts. Devant une telle résistance, les Allemands amènent des renforts durant la nuit et obligent BOUCHIER à reculer sur des positions prévues à l'avance par "GODERVILLE". Ces positions se situent sur la montée du PAS-DE-SAMBUE déjà tenue par les éléments de "BECHMANN" et protégées par le bois des ESSERTEAUX qui est miné et sous le feu d'une mitrailleuse installée au FRIER-DU-BOIS.

Sur le front Sud du VERCORS :

Partis de la vallée du Rhône, les éléments de la 9ème Panzer essayent de se frayer un chemin en direction de DIE en passant par CREST. A SAILLANS, la Wehrmacht est obligée d'engager de violents combats juste avant le tunnel routier, puis à ESPENEL, ce qui freine terriblement l'avance des unités motorisées. Les pertes sont importantes du côté Français, les moyens de l'ennemi sont très supérieurs. Devant cette forte opposition, les Allemands se vengent en brûlant de nombreuses habitations et granges avant de se retirer à SAILLANS. Avec des pertes très sérieuses, les nôtres se replient sur SAINT-BENOIT-EN-DIOIS et dans les gorges de l'ESCHARIS.

A AOUSTE-SUR-SYE, de durs affrontements opposent les hommes du Capitaine CHAPOUTAT aux renforts ennemis qui essayent de franchir le barrage français pour rejoindre les éléments de SAILLANS. Ils perdent deux blindés et une douzaine des leurs. Comme d'habitude, les représailles sont nombreuses et terribles, ils se vengent une fois de plus sur la population innocente et incendient les habitations.

Au col de GRIMONE et au col de CABRE, les Allemands de la 157ème DI essayent de percer la défense française pour rejoindre DIE.

Du front Ouest jusqu'à GRENOBLE, le bouclage du VERCORS par les troupes ennemies est partout en place et les sorties du VERCORS sont très sérieusement verrouillées. Les perquisitions se multiplient un peu partout à la recherche des combattants du Maquis. Des positions de guet et des mitrailleuses sont installées sur la moindre hauteur.

Au col SAINT-ALEXIS :

Au col SAINT-ALEXIS, les gars du C12 sont toujours en position de combat, trempés et gelés. Doucement la nuit tombe. Nous sommes convaincus que les troupes aéroportées qui sont à VASSIEUX nous auraient déjà attaqué si elle avaient dû le faire. Maintenant, il est tard, les conditions ne sont pas favorables (le temps ne s'y prête pas) et elles n'ont reçu aucun renfort depuis leur débarquement. Elles ne se risqueront pas d'attaquer de nuit et par un temps pareil.

Nous n'avons rien avalé depuis le matin. Nous avons le ventre creux et rien dans nos sacs pour calmer notre faim. Nous décidons donc de rejoindre le col du ROUSSET. Pour éviter toute surprise désagréables, nous nous mettons en formation de ratissage sur une ligne d'au moins deux cent mètres, partant de la route jusqu'au milieu du bois.

Nous n'avons pas marché depuis plus d'un quart d'heure et venons à peine de dépasser les fermes de DEVAUX et de JUILLET qu' un copain gueule :

"Les Boches ! Position de combat !"

Une voix s'élève dans la nuit et dans le bruit régulier de la pluie :

"Ne tirez pas ! Français !"

Alors un dialogue s'engage dans l'obscurité :

"Qui êtes-vous ? d'où venez-vous ?"

Rien d'étonnant à ce que notre copain les ai confondus avec des Boches dans cette nuit noire, car ce sont les.... Sénégalais commandés par le Lieutenant MOINE. Ils ont reçu l'ordre d'aller à VASSIEUX pour contenir les Allemands. Nous ne nous attendions certes pas à les rencontrer à cette heure et en cet endroit. Nous profitons de cette rencontre pour exposer la situation à MOINE telle que nous la connaissons et lui exprimons notre intention de rejoindre le col du ROUSSET pour nous mettre à la disposition de "GRANGE" et nous restaurer. De nous être croisés avec le peloton de MOINE, allège la tension nerveuse et diminue les précautions prises antérieurement, si MOINE et les siens n'ont rencontré personne en cours de route en venant du col du ROUSSET, il y a de fortes chances pour qu'il en soit de même pour nous. Venant de la direction du ROUSSET pour aller vers VASSIEUX, arrivés à la bifurcation ils ont tourné à droite tout de suite avant le col.

Faisant partie de l'escouade servant le F.M. dont la mission est de longer la route, nous arrivons bons premiers au refuge VITTOZ. Nous mettons "GRANGE" immédiatement au courant des événements du jour, ainsi que de la rencontre nocturne avec MOINE et son peloton. Notre compte-rendu à "GRANGE" est perturbé par l'arrivée des gars qui devaient passer par le bois. Ils arrivent avec un blessé, mortellement atteint : Il s'agit de notre camarade Maquisard dés l'origine de la formation du C2, "RIBOULDINGUE". En descendant les bois devant le chalet détruit "LA MEME", pour rejoindre le tunnel, il a glissé et est tombé sur le dos. Depuis BELLIER il trimbalait dans son sac une grenade Italienne dont il n'a jamais voulu se séparer malgré nos conseils renouvelés. Le choc de la chute a amorcé la grenade qui a fusé à l'intérieur de son sac. Allongé sur le dos, il n'a eu que le temps de prévenir ses copains de se planquer rapidement, avant qu'elle n'explose, le blessant très grièvement. A son arrivée, il est toujours conscient.

Au col du ROUSSET :

Afin d'examiner ses blessures, "CALVA" demande qu'on l'allonge à plat ventre sur une table. Hélas, il se rend tout de suite compte qu'il est trop atteint pour tenter quelque chose de valable, la seule possibilité qui lui reste est de lui remonter le moral pour l'aider à passer ses derniers instants de vie en lui mentant sur son état. Il lui dit le plus calmement possible, en essayant de cacher l'émotion qui l'étreint :

"Ne t'en fais pas "RIBOULDINGUE", cela va aller, une ambulance vient d'être demandée par "GRANGE" et elle ne va pas tarder à arriver de DIE."

Il lui répond avec une grimace de souffrance :

"Ne me gonfle pas "CALVA", tu sais bien que je suis foutu; que veux-tu, c'est de ma faute, je n'ai jamais voulu écouter les copains !"

Un spasme de douleur l'oblige à serrer les dents, puis il reprend plus faiblement :

"Je n'aurais jamais dû conserver cette saloperie de grenade Italienne !"

Et, tout doucement, "RIBOULDINGUE" (MATHEY Etienne) s'affaiblit et s'achemine vers un autre destin, entouré par ses copains de longue date du C2/C12.

A notre retour au col du ROUSSET, nous n'avons pas manqué de faire part à "GRANGE" de nos craintes quant à la possibilité que des troupes aéroportées ennemies se soient posées dans les clairières d'une zone comprise entre le col SAINT-ALEXIS et celui du ROUSSET. Nous lui proposons d'effectuer une patrouille avec les gars du C12, renforcés par des éléments du C11. Il accepte et sous une pluie qui n'a pas cessé de tomber, nous repartons et montons plus haut vers l'Ouest. Nous emmenons avec nous Ermine CARNIEL qui a profité de la nuit pour s'échapper de VASSIEUX et a rejoint le C11 au col.

Au cours de la patrouille, "GORILLE", l'un des chef du C11 demande à "CALVA" d'aller en éclaireur visiter des maisons que nous apercevons sur la crête. Ce qu'il exécute après lui avoir demandé de bien vouloir l'attendre pour qu'au retour il puisse lui indiquer par où la patrouille s'est dirigée. Le temps de s'approcher des fermes, de surveiller les lieux, de se rendre compte que rien n'indique la présence de la soldatesque ennemie, il revient à son point de départ; il n'y a plus de "GORILLE", pus personne. Par où sont-ils allés ?? Il suppose qu'ils ont dû continuer et il force l'allure pour essayer de les rattraper. Aucune trace, ils ont peut-être dérouté leur marche vers l'Ouest pour se rapprocher de VASSIEUX ? Toujours est-il qu'il ne les retrouve pas ! Il poursuit son chemin et se rapproche du gouffre de SCIALET-DE-LA-CEPE. Il a la sensation désagréable qu'il se rapproche dangereusement des Nazis. Il sent leur présence plutôt qu'il ne les voit à la ferme BEC, il n'a aucunement l'intention de leur servir de cible et se voir transformé en un éclair en passoire. Aussi silencieusement qu'il s'est approché, il décroche et rentre fourbu, furieux et très déçu au col du ROUSSET, par le chemin que nous avons emprunté à l'aller.

Il retrouve les hommes de la patrouille au refuge. Ils sont en train de manger de nouveau. Bien évidemment, il les imite sans se faire prier. En fait, ils ont fait demi-tour sur ordre de "GRANGE" juste après son départ en solitaire, persuadés que l'action de l'ennemi s'était limitée à la commune de VASSIEUX. "CALVA" est à même de leur confirmer que leur point de vue est parfaitement exact, car il l'a contrôlé lors de balade nocturne.

Dés notre arrivée au refuge VITTOZ, nous nous sommes déshabillés pour faire sécher nos vêtements. "CALVA" a mis son pantalon de rechange à sécher devant le poêle, il était aussi mouillé dans son sac que celui qu'il portait ainsi que sa chemisette qu'il faut tordre avant de l'exposer à la douce chaleur du poêle.

Pour cette nuit, nous nous installons dans le tunnel du col du ROUSSET, dans la cavité "PONTS et CHAUSSES" où nous nous couchons le mieux possible. Avant d'aller nous allonger, nous nous mettons à nouveau à la disposition de "GRANGE", il nous donnera des ordres dés qu'il aura mis le P.C de l'État-major du VERCORS au courant de l'évolution de la situation.

"RIBOULDINGUE" a été évacué sur DIE. Nous apprendrons plus tard le décès de notre compagnon. C'était un Maquisard du tout début et de premier ordre. Nos rangs commencent sérieusement à s'éclaircir.

Nous passons une nuit calme mais peu confortable dans nos affaires détrempées, si bien qu'au matin, nous sommes transis et qu'il faut un bon moment pour que nous puissions apprécier le bon soleil du DIOIS; qui, tout compte fait, aura vite fait de nous réchauffer. Ne sommes-nous pas à la fin du mois de Juillet ??

Alerte au P.C. d'"HERVIEUX". Envoi de renforts à VASSIEUX :

Dés l'attaque des planeurs, ce 21 Juillet 1944, de nombreux appels téléphoniques sont partis de la périphérie de la zone, de droppage, pour affluer au central du P.C. d'"HERVIEUX". Aussitôt, il a pris ses dispositions pour envoyer en renfort sur les lieux du combat, le peu d'unités encore disponibles. Mais il faut énormément de temps à certaines pour parvenir à destination. Alors qu'il aurait fallu une contre-attaque immédiate. Nous avons pu le constater nous même, puisque nous n'avons eu le contact avec le peloton de Sénégalais du Lieutenant MOINE qu'à la nuit tombée.

Vers le hameau de LA MURE, où la totalité du C19 a été anéanti, convergent plusieurs groupes. Le premier est celui de "VALLIER", le second, fort de trente hommes, est celui de "BRAS-DE-FER" (Gaston GARNIER), plus quelques garçons de "BOB" (BENNES) qui sont radios. Il faut rajouter à ces groupes, les trente hommes de la section LACOMBE.

"HERVIEUX" informe toutes les unités de logistiques (Dépôts, Intendances, Services, etc…etc…) qu'elles devront assurer elles même leur défense.

Partout, autour de VASSIEUX, des hameaux de LA MURE et du CHATEAU, à JOSSAUD et aux CHAUX, ce ne sont que ruines, deuils et désolations ! Les S.S. et les Mongols ont tué tous ceux qu'ils ont aperçu ou pris. La grande majorité des travailleurs du terrain d'atterrissage qui n'avaient aucune arme, ont été fusillés pour le simple fait qu'ils se trouvaient là, au mauvais moment; ainsi que tous les civils hommes et presque toutes les femmes et les enfants quelque soit leur âge. Ils ont incendié toutes les fermes, les étables et les granges en y enfermant les habitants apeurés, impuissants et effrayés, avant de les immoler par le feu. Un horrible massacre de gens et de bêtes. Et les assassins de VASSIEUX n'étaient pas que des S.S.. Se trouvaient avec eux des Miliciens qui s'appliquèrent à faire preuve d'autant d'ingéniosité criminelle que les Nazis, sinon plus.

Nuit du 21 au 22 Juillet 1944

Au col du ROUSSET :

Les médecins et le personnel hospitalier de l'hôpital de SAINT-MARTIN et de son annexe de TOURTES ont reçu l'ordre de se préparer à évacuer les blessés dans la nuit. Toute la caravane part pour DIE. Mais, devant la menace de l'avance des troupes Allemandes, elle repasse par le tunnel, et redescend sur le plateau du VERCORS pour aller se réfugier dans la grotte de LA LUIRE. Certes, transporter tous ces grands blessés, pour la plupart alités, ce ne sera pas une affaire facile, par des chemins étroits, rocheux et accidentés. Ce trajet sera épuisant pour le personnel hospitalier qui sera admirable de dévouement et d'abnégation.

Quant à nous, nous sommes tellement épuisés et fourbus, dans notre cavité "PONTS ET CHAUSSEES", qui a moins de dix mètres du passage, nous n'entendons ni les camions, ni les voitures. Nous n'apprendrons que le lendemain, qu'outre la caravane de l'hôpital, des "HUILES" telles que le Général ZELLER, "PAULINE" et le major CAMMAERTS avec son radio ont également transité dans la nuit par les tunnels.

Samedi 22 Juillet 1944

Dans le Nord du VERCORS :

Sous la pluie, faisant le tour par le PAS-DE-LA-CLE, les chasseurs de la 1ère Compagnie du 6ème BCA, partent à 4 heures du matin de FEYSSOLE pour RANCUREL d'où ils sont envoyés à MEAUDRE, sans avoir eu la possibilité de se restaurer. Ils n'arrivent à leur destination que dans la nuit suivante et encore pas tous. A VALCHERIERE, "CHABAL" monte une contre-attaque dés qu'il est renforcé par les hommes de BOUCHIER, qui ont dû se replier sur ses positions. Avec ses quarante chasseurs, il réussit à faire reculer deux Compagnies Allemandes qui l'attaquent et accomplit l'exploit de les raccompagner jusque sur les positions qu'il tenait antérieurement.

Installé au FRIER-DU-BOIS, BOUCHIER résiste au premier assaut des Allemands mais quelques heures plus tard, considérablement renforcés, ils attaquent à nouveau; il reçoit alors de "GODERVILLE" l'ordre de se replier vers le PAS-DE-LA-SAMBUE et de mener un combat retardataire. Regroupées sur le PAS, les sections BOUCHIER et "BECHMANN" (R. LESCOT) gendre de "GODERVILLE", interdisent le passage à un nouvel assaut ennemi.

Sur le front Est du VERCORS :

A 7 heures du matin, de PETOUZE, où se tient son P.C. le Commandant "PHILIPPE" (ULMANN) prescrit au Capitaine "ADRIAN" (VILLARD) de faire mouvement avec sa 2ème Compagnie du 12ème BCA, et se porter en renfort avec

son unité à PRE-GRANDU, situé au dessus de ROUSSET-EN-VERCORS, pour se mettre à la disposition du Commandant "GEORGES" (JOUNEAU) qui commande le secteur.

Passant par LES BARRAQUES, LA CHAPELLE, puis ROUSSET, ils parviennent à PRE-GRANDU vers les 18 heures, complètement exténués. Ils viennent renforcer les 18 hommes de l'Aspirant BECHET qui tiennent LE-PAS-DE-LA-VILLE, DE-LA-POSTERLE et DES BERRIEVES depuis le 3 Juillet 1944. La veille au soir (le vendredi 21 Juillet 1944), ils ont été attaqués au PAS-DE-LA-VILLE. Ils sont complètement tétanisés par le froid, épuisés par les gardes répétées sous la pluie, s'ajoutant à une tension permanente, sans un instant de repos.

Le Commandant "GEORGES" et le Lieutenant "HENRY" (CHAMPON) font un examen rapide de la situation. Elle n'est pas brillante. Il est décidé que le Capitaine "ADRIAN" et son second "VALENCAIS" (TREUILLE) partiront vers le PAS-DE-LA-VILLE en passant par la fontaine du PICHET. Ils partent donc avec hommes et matériel dans des camions gazogène en empruntant le chemin très mauvais et complètement raviné par les pluies, qui conduit à la fontaine du PICHET. La pente devient tellement raide que les hommes sont obligés de descendre des camions afin de les soulager. Ils continuent à pied avec beaucoup de difficultés. Les camions gazogène ne transportant plus que le matériel, finissent par grimper le raidillon.

A la fontaine du PICHET, le Capitaine "ADRIAN", après avoir fait récupéré le matériel sur les camions, laisse deux groupes de garde' munis de leurs armes automatiques pour défendre les lieux; puis il montre en direction du PAS-DE-LA-VILLE avec le reste de la section. Exténués, les hommes sont eux affamés car ils n'ont pas mangé de toute la journée. Comprenant qu'il ne peut plus rien tirer de bon de sa troupe, le Capitaine "ADRIAN" décide de les laisser se reposer. Ce sera un repos très relatif, car ils doivent se coucher à même un sol constellé de cailloux pointus et dans un environnement de froidure. Naturellement, ils n'ont aucun matériel de camping !

Laissant là les "dormeurs", "ADRIAN" entraîne "VALENCAIS" et un troisième groupe vers le PAS-DE-LA-VILLE. Ils y trouvent "BECHET" et le Lieutenant "SIMMONEAU" qui vient d'arriver dans la soirée. Ces derniers sont, eux aussi, couchés dans des conditions très précaires. Malgré la fatigue, le groupe de "VALENCAIS". qui vient d'arriver, assure la relève. Leurs camarades peuvent ainsi se reposer un peu, durant les quelques petites heures qui leur restent, avant le début du jour.

A l'aurore, profitant d'un brouillard très épais, les chasseurs Bavarois s'infiltrent au PAS-DE-LA-SELLE et prennent à revers le PAS-DES-CHATTONS qui, faiblement défendu, sera immédiatement enlevé. De ce fait, les Allemands encerclent pratiquement le PAS-DE-L'AIGUILLE qui est défendu par la section du Lieutenant BLANC. Elle est obligée de se réfugier dans une grotte. Les gars y sont coincés. Pendant 48 heures, ils tiendront tête et résisteront malgré les pertes et l'acharnement extraordinaire des Nazis.

Mais il n'y a pas que ces PAS qui sont attaqués, les autres aussi. C'est une attaque de grande envergure qui englobe les PAS : DE-BACHASSONS, DE-LA-VILLE-DE-LA-POSTERLE, DES-BERRIEVES et de LA-BALME.

La situation n'est guère meilleure au PAS-DE-LA-BALME. Là, comme partout, le manque d'effectif est dramatique. Là, comme sur toutes les défenses, PAS ou barrages, le nombre de combattants Français est dérisoire. Nous n'avons pas assez de réserve pour les renforcer. Un exemple frappant, le PAS-DE-LA-BALME est défendu uniquement par sept chasseurs du 12ème BCA y compris le chef "THEO" (Sergent-chef BESSON) qui sont en position avec un seul FM depuis huit jours, sans relève. Comme son groupe n'a plus du tout de vivres, "THEO" décide d'envoyer deux de ses hommes "faire" du ravito. Ainsi Roger ARNAUD et le jeune Maurice ROLLAND âgé de 17 ans se rendent à CORRENCON.

En cours de route, ils aperçoivent, précédant une section d'assaut Allemande, un groupe de civils. Des personnes servant de guides ou bouclier humain que les Allemands poussent devant eux ? Ils ne le sauront jamais, mais ce qu'ils savent, c'est qu'ils doivent déguerpir ou se "planquer". ROLLAND choisit de se cacher dans une ferme, persuadé que son jeune âge le protégera. C'était bien mal connaître les Boches.

ARNAUD lui, réussit à atteindre CORRENCON après avoir évité la section Boche. Par une extraordinaire malchance, il se fait "cravater" dans CORRENCON même, par un Allemand qui le surprend. Mais la providence veille. Un orage brutal éclate comme cela arrive souvent en montagne, afin de se mettre à l'abri, l'Allemand le pousse vers une grange. Profitant d'un moment d'inattention de son gardien qui, pour prendre ses cigarettes dans ses poches, a posé sa mitraillette contre sa jambe, ARNAUD réussit à s'en emparer et lui tire une rafale à bout portant avant de se sauver à vive allure, du côté opposé à la direction d'où il venait, afin d'atteindre les bois. Son intention est de mettre le plus de distance possible entre lui et les Boches. Malheureusement, en courant sur un chemin, il ne prend pas garde où il pose les pieds et heurte une mine anti-personnel qui le blesse cruellement à la cuisse. Souffrant le martyre, très sérieusement touché, il continue lentement et très péniblement son chemin, persuadé que c'est la fin. Epuisé, perdant son sang en abondance et perdant espoir de s'en sortir, il se traîne sur le chemin lorsqu'il est, miraculeusement, recueilli par un petit détachement de Sénégalais qui, par une chance inouïe, patrouillait par là.

Evacué sur l'hôpital de fortune de la grotte de LA LUIRE, il y sera soigné par l'équipe du docteur GANIMEDE. Petit à petit, il se remet de sa blessure et se déplace à l'aide de béquilles. Rétabli suffisamment pour être indépendant, le Docteur GANIMEDE sentant le danger se préciser, conseille à ARNAUD de se réfugier avec un autre blessé de SAINT-NIZIER du nom de BUSCA, dans une petite grotte peu éloignée où "LULU" (madame Lucie JOUVE) les accompagne. Ils échappèrent ainsi tous les trois au triste sort de leurs compagnons de la grotte de LA LUIRE. Ils eurent, certes, de dures épreuves à surmonter car ce n'est que le 2 Août 1944 que BUSCA et ARNAUD rejoignirent une section de la 2ème Compagnie du 6ème BCA commandée par l'Adjudant LIOTARD et ses copains.

La section d'assaut Allemande que nous avons laissée en train de monter en direction du PAS-DE-LA-BALME et qu'ARNAUD a réussi à éviter, entreprend la fouille des fermes, granges et habitations qu'elle trouve sur son passage. Les S.S. découvrent ROLLAND et trois autres personnes qu'ils obligent à les précéder pour ouvrir la marche. Ainsi, ils se protègent par un écran humain d'une très probable embuscade.

Au PAS-DE-LA-BALME, un combat acharné oppose le Sergent-chef BESSON et ses quatre hommes à la section d'assaut S.S.. Les Allemands achèvent les blessés et fusillent les Français pris en otages et placés en bouclier humain. Seuls, deux chasseurs Français sortent indemnes de cet engagement.

"HERVIEUX" envoie "VOLUME" en mission spéciale auprès de "BASTIDE" :

Toutes les informations arrivant au P.C. de l'Etat-major du VERCORS font état d'une vive activité ennemie et confirment qu'une attaque extérieure est imminente. Tout d'abord, toutes les portes du VERCORS qu'elles soient naturelles comme les PAS ou construites par les hommes comme, les ponts, routes ou tunnels, sont entièrement verrouillées par les Allemands. Ensuite, c'est l'arrivée massive de troupes de montagne sur le pourtour du plateau. "HERVIEUX" en est très conscient et décide d'envoyer un officier sûr, en mission dans le Maquis de l'OISANS, auprès du Commandant de cette zone : "BASTIDE" (Alain LE RAY) ou encore "ROUVIER" pour le Maquis du VERCORS. Cet officier devra informer "ROUVIER" afin que les unités qui sont sous ses ordres participent au combat qui va s'engager.

Il fallait un officier énergique, décidé et volontaire en qui "HERVIEUX" puisse mettre toute sa confiance. Qui mieux que "VOLUME" (Adrien CONUS) peut remplir cette mission. En effet, en 1941 il était Sergent. Rengagé à la fin de son temps, il a conquis ses galons par ses actions d'éclat; notamment à BIR HAKEIM. Parachuté le 2 Juillet dans l'AIN avec la seconde partie de la mission EUCALYPTUS, le Capitaine "VOLUME" avait rejoint le Major LONG, MODOT et le Lieutenant Anglais "PIERRE" (Pierre SAVERBY). Le 10 Juillet 1944, tous les trois avaient ralliés le VERCORS.

De l'OISANS, le Lieutenant JAIL était venu en mission. Il est retourné dans son secteur se mettre à la disposition de ses chefs. Le 21 Juillet au soir, accompagné du Lieutenant JAIL, "VOLUME" arrive au P.C. de "GODERVILLE" à HER¬BOUILLY. Comme à l'habitude, une patrouille de nuit est effectuée par les hommes de "GODERVILLE" pour assurer le contact avec les avant-postes de CORRENCON. Ils en profitent donc pour ne pas partir seuls, se mettant sous la protection de la puissance de feu de la patrouille. Arrivés au lieu-dit FRIER-DU-BOIS, une vive fusillade éclate et les prend à parti. Ce ne peuvent être que des Allemands qui cherchent à les empêcher de passer. Ils n'insistent pas et reviennent sur leur pas vers HERBOUILLY.

Deux guides connaissant bien la région sont désignés pour faire passer les lignes au PAS-DE-LA-PALME à "VOLUME" et au Lieutenant JAIL. Pour renforcer la nouvelle patrouille, deux tirailleurs Sénégalais leur sont affectés. Se joint à eux le Lieutenant FOILLARD qui a hâte de retrouver ses gars en position au PAS-DE-LA-BALME. Ils partent donc tous les sept. Les guides en éclaireurs, les deux tirailleurs Sénégalais fermant la marche. Arrivés au PAS-DE-L'ANE, le guide de tête saute sur une mine. Il est grièvement blessé et le deuxième est fortement sonné. Quant à "VOLUME" qui suit en troisième position, il est légèrement contusionné, atteint principalement aux jambes. La patrouille se sépare en deux. Les tirailleurs Sénégalais font demi-tour avec les deux guides blessés et les officiers continuent. Bientôt les officiers se rendent compte qu'ils se sont perdus, qu'ils tournent en rond dans le brouillard de plus en plus dense; ils passent les crêtes, évitent les Allemands qui leur ont été signalés et couchent le 22 Juillet au soir dans une cabane de berger.

Libération des prisonniers du camp d'internement :

Devant l'évolution catastrophique de la situation, le camp d'internement de la CHAPELLE a été déplacé au REVOULAT, à côté de LOSCENCE et "HERVIEUX" se décide à donner des ordres d'élargissement des prisonniers. Il adresse au Capitaine "SAMBO" (VINCENT-BEAUME) chef du 2ème Bureau sous les ordres duquel est placé le responsable du camp d'internement, le Lieutenant SATRE, l'ordre écrit suivant :

"Des planeurs ont amené sur le terrain de VASSIEUX des Parachutistes armés jusqu'aux dents, bien pourvus en vivres et en munitions qui se sont retranchés dans VASSIEUX et les hameaux voisins. Pour les encercler j'ai utilisé toute mes réserves.

D'autre part, l'ennemi attaque en force dans la région d'HERBOUILLY/VALCHEVRIERE et je n'ai plus de renforts à y envoyer. Il faut prévoir l'envahissement du plateau. Ceci est une question de quelques heures, ceci est une question de quelques jours.

En conséquence, sur les directives du Général "JOSEPH" et dans le but d'éviter des représailles sur la population civile, j'ai décidé de libérer, dés maintenant, tous les détenus du camp de concentration.

Les prisonniers Allemands ne seront libérés qu'au dernier moment, lorsque l'ordre de gagner les bois sera donné."

"HERVIEUX"

Comme on s'en apercevra plus tard, cette libération aura de funestes conséquences. En effet, les Miliciens et les collaborateurs, surtout des femmes, se mirent au service de l'occupant. Ils n'hésitèrent pas à dénoncer leurs compatriotes. Pris d'une haine farouche ils se vengèrent en désignant comme résistant toutes personnes dont les habits se rapprochent de ceux portés par les Maquisards. Ces mauvais Français furent plus impitoyables que leurs maîtres Nazis. Les Maquisards regrettèrent amèrement cette mesure d'élargissement qui produisit des effets inverses de ceux espérés. Elle leur apparut comme un acquittement pur et simple.

Sur le front Sud du VERCORS :

"BAYARD" accompagné de "LEMOINE" (DOM GUERET) rend visite au Commandant "LEGRAND" (de LASSUS) pour lui demander de faire intervenir ses troupes afin de soulager celles du VERCORS, si cela est encore possible. Pour avertir le Capitaine "ALAIN" (Pierre REYNAUD), un officier parachuté, il envoie un agent de liaison lui transmettre ses ordres :

"Ordre à "ALAIN" de reprendre personnellement le harcèlement sur la route de LUC-EN-DIOIS à DIE et de faire replier sous les ordres du Capitaine GIRY, plusieurs Compagnies en direction des cols de ROMEYER et de MARIGNAC pour renforcer le VERCORS Sud."

Malheureusement, nous ne vîmes jamais arriver ces renforts.

22 Juillet 1944

Sur le front Ouest du VERCORS :

Les attaques se généralisent sur l'ensemble du pourtour du VERCORS. Ainsi les Allemands réussissent à s'emparer du col de TOURNIOL défendu par la Compagnie WAP, obligeant du même coup, la 5ème Compagnie à se replier sur les FARGE. Elle est à nouveau accrochée à TAMEE et à ORIOL. Pour essayer de la prendre à revers, les Allemands attaquent le hameau de LEONCEL et le brûlent. Ils réussissent à prendre successivement le col de LA BATAILLE, puis le col du PIONNIER; mais ils sont obligés de différer leur assaut car le WAP fait sauter le PAS-DE L'ESCALIER et se replie sur la crête de COMBLEZINE.

Toujours sur le front de l'Ouest, mais plus au sud, une forte colonne Allemande accrochée à COBONNE, prend le village et le pille.

A DIE, déclarée "Ville ouverte", les Allemands entrent sans combattre. Les autorités civiles et militaires de la ville espéraient, contre toute attente, une certaine clémence de la part des troupes d'occupation. C'était sans compter avec les Miliciens arrivés avec la Wehrmacht; qui, exaspérés par la répulsion de la population contre l'aide qu'ils apportent à l'occupant, effrayés par les conséquences de leurs actes sur leur avenir proche, commettent de multiples exactions, fusillent six Résistants et brûlent le château de CHAMARGES, ayant servi de P.C. de la Résistance au vu et au su de tout le monde.

En atteignant DIE, les troupes Allemandes ferment la dernière porte de sortie du VERCORS. Cela n'empêchera pas les Maquisards de la région de circuler, en prenant des précautions...

Au col de FONT-PAYANNE,"CHARVIER" a reçu l'ordre de faire mouvement avec son C15 pour rejoindre les éléments qui encerclent VASSIEUX et participer à l'attaque générale qui doit avoir lieu au soir du 22 Juillet 1944.

A la grotte de LA LUIRE :

Etant donné la situation de plus en plus tendue et préoccupante, le Docteur GANIMEDE invite, par prudence, tous les blessés pouvant se mouvoir seuls, à quitter rapidement la grotte de LA LUIRE, tant par sécurité, que par nécessité d'ailleurs. Les réserves de vivres s'épuisent rapidement et ne permettent plus de tenir très longtemps avec un effectif aussi élevé.

Cinquante blessés et dix-huit membres du personnel hospitalier quittent aussi la grotte; celle-ci, de toutes façons, n'aurait pu contenir tout le monde. C'est ainsi que "GILBERT" (Robert PATARD) du C12, "DOMINIQUE" (Dominique ISRAËL) du C18, le Docteur Marc BRUNEL, monsieur et madame ENJALBERT, infirmiers, TRIAL père et fils...... font partie de ceux qui, pouvant se déplacer indépendamment, vont

chercher un autre refuge. Bien que pouvant se déplacer seuls, ils marchent avec énormément de difficultés, ayant la plupart, été atteints aux membres inférieurs. Il y a déjà longtemps que les blessés légers ont rejoint leurs unités respectives. Ils partent aussitôt après avoir reçu des soins. Les blessés graves qui peuvent donc se déplacer essaient, pour la plupart, d'atteindre LE ROYANS.

Le Lieutenant "PHILIPPE" (Tcherkess) prend la direction du hameau de LA MURE où il sera tué le 23 Juillet 1944.

22 Juillet 1944 - Après-midi

Au col du ROUSSET :

Un pilote Allemand particulièrement audacieux, venant du DIOIS, descend en piqué sur le tunnel et lâche une bombe qui vient pulvériser les....WC. C'est un tout-à-l'égout très spécial car il est installé sur le vide, le long de la paroi rocheuse. Au moment du bombardement, les WC sont heureusement inoccupés. L'avion repart sur le dos, apparemment sans dommage, malgré un feu d'enfer craché par toutes les armes automatiques installées sur la crête au-dessus de lui.

Pour bombarder, il a été obligé de descendre très en dessous du col géographique. Nous pensions l'avoir dégoûté avec toute notre mitraille. Il n'en est rien et il remet ça. Nous pensons tous :

"Cette fois-ci, sale Boche, ça va être ta fête !!"

Mais, pas du tout, il largue une fois de plus, une seule bombe qui va exploser à côté de l'objectif visé, dans les éboulis situés à gauche du refuge VITTOZ.

A la suite de cette attaque aérienne, nous nous organisons pour protéger l'entrée du tunnel. Nous remplissons des sacs de terre et les empilons pour faire rempart devant l'accès au tunnel. Nous sommes convaincus que cette protection est parfaitement illusoire et que si elle peut nous protéger d'un mitraillage, elle sera inefficace contre une bombe.

Avons-nous dégoûté le pilote ou n'avait-il plus de bombe ?? Toujours est il que nous ne le reverrons plus ! !

Nous apprenons que la nuit précédente (du 21 au 22 Juillet 1944) une partie importante du C18 s'est disloquée quittant le camp pour rejoindre le DIOIS. En fait, depuis que leur chef "DOMINIQUE" a été blessé le 14 Juillet à VASSIEUX, les Maquisards du C18 sont démoralisés. Il ne reste que six hommes qui se demandent bien ce qu'ils doivent faire. Ne recevant ni ordre, ni ravitaillement, ils optent pour se mettre à la disposition de "GRANGE". C'est ainsi qu'arrivent au col du ROUSSET : BALANCA, BOIS, AUBERT, NAL dit "TONIO", DETRICH et NAUD, venant du col de VASSIEUX. A ce col, il n'y a plus aucun défenseur et, de plus, le Capitaine GIRY ne viendra pas défendre les deux cols de ROMEYER et de MARIGNAC. Une porte d'accès au plateau du VERCORS est donc grande ouverte aux troupes Allemandes.

En réalité il s'agit plus d'un pas que d'un col, l'appellation n'est pas exacte.

22 Juillet 1944 au soir

Sur ordre de "GRANGE", "LE PAPE" et son peloton se replient de LA ROCHE CHAMALOC au col du ROUSSET.

Sur un ordre d'"HERVIEUX" transmis à "GRANGE", tous les hommes disponibles : Plusieurs pelotons du C11, le C12 et les six hommes restants du C18, partent à pied pour effectuer une attaque de nuit afin de déloger les Allemands installés dans les ruines de VASSIEUX. "HERVIEUX" essaye par tous les moyens de résorber l'abcès que les Allemands ont créé par l'arrivée de leurs troupes aéroportées au centre du VERCORS Sud. Il fait appel à ses dernières réserves pour reprendre VASSIEUX.

En cas de succès, il est évident que les Alliés pourraient se servir du terrain d'atterrissage et envisager un débarquement aérien sur les arrières de l'ennemi. A condition naturellement, qu'ils ne se lassent pas prendre de vitesse encore une fois , par les Fridolins. Enfin, nous ne sommes pas là pour discuter un ordre, ni seulement pour le comprendre; mais pour l'exécuter, bien que cela ne nous plaise pas beaucoup de marcher à l'aveuglette.

Le secteur qui nous est imparti se trouve sur la partie gauche de la route qui mène à VASSIEUX. Pour mettre en place le dispositif de bouclage, on nous fait avancer à plusieurs reprises. De partout des unités arrivent, nous sommes persuadés que les Allemands sont au courant et que nous ne risquons pas de les attaquer par surprise ! Ils lancent les unes après les autres des fusées éclairantes ponctuées par des rafales d'armes automatiques. Comme nous ne sommes toujours pas au contact, cela ne les avancent guère.

Le temps passe. Nous sommes gelés et nous trouvons le temps vraiment long, nous sommes allongés depuis des heures sur le terrain d'atterrissage et à découvert. Enfin la consigne est transmise de bouche à oreille, l'attaque générale débutera après avoir entendu tirer trois coups de canon de 25.

Nous faisons mouvement vers la zone définitive d'attaque. Il se trouve que nous la connaissons bien, puisque c'est le terrain accidenté et parsemé de buissons, où nous nous entraînions avec "PAYOT".

"CALVA" est surchargé. Outre sa grosse musette de premiers soins, remplie de pansements, de bandes, de flacons et d'ampoules de morphine, etc…, il a en plus son armement qui est extrêmement encombrant. Il se compose d'un fusil et ses cent quatre vingt cartouches de réserve dans trois cartouchières de toile en sautoir, de deux armes de poing : son colt et son Smith & Wesson avec leurs munitions et quatre grenades qui gonflent ses poches. Sur le dos, son sac comprenant quatorze grenades, deux gammons dans les poches de côté, le canon de réserve du F.M., trois chargeurs pleins de FM et trois boites de cartouches de réserve pour recharger les chargeurs de F.M.

Il lui est impossible d'être efficace à l'attaque avec autant de charge et il s'adresse à "GRANGE" :

"Qu'est-ce que je fais ? Je soigne les blessés, au fur et à mesure du combat ?"

"On soignera les blessés quand le patelin sera repris ! !"

Dans ces conditions, il ne lui semble pas nécessaire de trimballer sa musette de premiers secours. Il l'enlève et la pose à ses pieds et, comme tous les autres, il attend. Puis en attendant, il réfléchit qu'en la laissant là, il risque de se la faire "piquer"; aussi il l'attrape par sa bretelle et va la planquer dans un petit buisson très touffu en repérant très soigneusement sa position pour pouvoir la récupérer quand cela sera nécessaire.

De temps à autres, le terrain est illuminé, mieux qu'en plein jour, par les fusées éclairantes. De longues rafales d'armes automatiques trouent le silence, puis le calme revient. Quant à nous, nous ne répondons pas, les Boches doivent être sûrement bien à l' abri derrière des pans de murs noircis ou dans des trous. Nous sommes tous d'accord, la seule façon de les déloger, c'est d'attaquer à la grenade dés que nous aurons atteint les premières maisons. Pour arriver à ces premières ruines, pendant la progression qui devra être très rapide, nous devrons être couverts par les F.M.. Mais auparavant, nous devons nous rapprocher au maximum pour ne pas avoir à courir trop longtemps à découvert.

Finalement, nous entendons le canon de 25 tirer, tendus, prêts à bondir, nous comptons les coups : un...deux... puis plus rien. Une fusillade nourrie éclate, semble-t-il du côté du col de LACHAU, puis s'éteint. Nous n'avons pas bougé. De nouveau on attend.

Les copains :

"CALVA", va voir un peu ce qui se passe !?"

Il part à la recherche de "GRANGE" et déniche "BAGNAUD" dans un trou, en train de faire des plans sur une carte avec d'autres, en s'éclairant avec une torche électrique. Il se permet de leur demander :

"Que cherchez-vous ? VASSIEUX ? Nous, on connait le village presque par cœur ? On y est tous les jours !! Vous n'avez qu'à donner l'ordre d'attaquer au C11 et au C12 et en un quart d'heure on est dedans !"

Sans réponse, "CALVA" attend et ne voyant rien venir, il s'en retourne pensif. Il a l'impression très désagréable que celui qui commande ne rêve que d'attaques en vagues successives, comme par le passé. Pour nous, c'est différent. Nous pensons que de vouloir attaquer à découvert sur un terrain d'atterrissage tout plat, éclairé comme en plein jour, sinon mieux, par des fusées éclairantes, face à des mitrailleuses qui balayent toute la surface au ras du sol; c'est de la pure connerie. Alors que de l'autre côté de la route, sur le flanc de la scierie MAGNAN, le terrain se prête beaucoup mieux à une attaque à la grenade où nous aurons plus facilement le dessus. D'autant plus que nous en avons tous une bonne réserve dans nos sacs, sans compter deux gammons par gars. Une fois dans les ruines de VASSIEUX, nous ne pourrons compter que sur nous seuls. Si des renforts arrivent, ils seront les biens venus. Encore une fois, pourquoi vouloir synchroniser toutes les attaques ? Le hameau de LA MURE est presque à deux kilomètres de l'endroit où nous attendons. Les courriers sont faits à pied par des agents de liaisons. Nous poireautons des heures, nous sommes frigorifiés et que le bel enthousiasme du départ s'amenuise d'heure en heure.

On nous avertit qu'on attend les Américains. Quand ils seront là, nous attaquerons au signal donné par trois coups de bazooka. Mais le temps passe, passe et nous attendons toujours. Pourquoi faire ?

Certes, nous savons bien que nous sommes attendus par les S.S.. Qu'ils ont même des lance-flammes. Mais, dans une attaque de ruines comme celles de VASSIEUX, il leur sera difficile de se servir de mortiers et avec nos grenades nous serons presque à égalité. Il faudrait faire vite, car le jour ne va plus tarder à poindre. Il n'y a pas besoin d'être grand clerc pour prévoir qu'avec le jour, il sera beaucoup plus difficile et aléatoire d'approcher de VASSIEUX. Les Allemands peuvent recevoir des renforts aéroportés, ou bien, se regrouper dans un périmètre complètement fermé dans le village en ruine. D'autre part, de jour, nous pouvons être mitraillés par les avions mais nous ne risquons guère de recevoir des bombes étant beaucoup trop prés des positions ennemies.

--ooOoo--

Suite...

Association des Anciens du 11ème Cuirassiers Vercors Vosges Alsace
Maison du Combattant
26 rue Magnard 26100 ROMANS-SUR-ISÈRE
http://www.11eme-cuirassiers-vercors.com
Réalisation BCD Informatique