ATTAQUE DE VASSIEUX

3ème partie

22 Juillet 1944 au soir

Après avoir pris sa décision d'abandonner le col du ROUSSET, "GRANGE" fait rassembler dans le tunnel les 150 hommes qui restent pour leur faire distribuer à chacun des vivres de secours, un fusil et ses munitions pour ceux qui en sont dépourvus. Il fait charger le reste de vivres sur un camion.

Pour faire sauter le tunnel et le stock d'armes qu'il ne peut emporter, il laisse "CANARD" (Gilbert FRANÇOIS) et "TOTO" (Jacques THOMAS). Nos deux dynamiteurs préparent la charge et déroulent une très longue mèche lente. Afin de s'assurer du succès de l'opération, "TOTO" s'est posté à plat ventre à la sortie du Tunnel côté VERCORS pour vérifier que la flamme se propage correctement le long du cordon de mèche lente.

Lorsque la charge explose, les Boches descendent déjà du plateau de BEURRE après avoir conquis les PAS de l'Est du VERCORS. Ils sont presque arrivés au col du ROUSSET. L'excellente connaissance du coin sauvera la vie de "TOTO", il n'a que le temps de foncer en direction du col SAINT-ALEXIS pour rejoindre ses copains.

Les hommes de "GRANGE" progressent dans les bois entre la route qui mène à ROUSSET et celle qui se dirige vers VASSIEUX. La progression est lente, difficile à cause des obstacles que représentent les buissons épais, la nuit qui descend et estompe progressivement le paysage. Prenant un risque certain, ils terminent le parcours sur la route elle-même en espérant éviter un quelconque poste Boche. Ils reprennent position au col SAINT-ALEXIS, embusqués de part et d'autre de la route pour y passer le reste de la nuit, protégés par leurs sentinelles.

23 Juillet 1944 - Dimanche dans la matinée.

A VASSIEUX, "CALVA", dans son trou, ne peut évaluer la situation que par les bruits extérieurs. II entend soudain les Boches qui se mettent à parler plus fort et en même temps le bruit caractéristique du survol de la région par des avions. Le bruit régulier semble venir de haut. Il se prend à espérer que se sont les Alliés qui auront l'excellente idée de leur envoyer une sérieuse dégelée de bombes. Il songe que, malgré tout, étant en dehors du village martyr où les troupes aéroportées ennemies cantonnent, il y a peu de chance que la situation s'améliore, car les Allemands qui sont prés du lieu où il se cache ne desserreront pas leur garde pour cela.

Le temps s'est nettement amélioré et dans de telles conditions, il est presque sûr que les Boches vont recevoir des renforts.

D'origine modeste, rares sont les Maquisards qui ont une montre. C'est le cas de "CALVA" qui ne peut évaluer le temps qui passe que par les variations de température. A l'estime, il pense que la matinée n'est pas encore achevée. Il juge qu'il y a à peu prés un quart d'heure entre le moment ou il a entendu les avions et le moment où il entend des bruits de bottes. Est-ce des renforts ennemis qui montent vers le col SAINT-ALEXIS ?? Les Boches vont-ils attaquer par l'arrière le col du ROUSSET ou agrandir sensiblement leur périmètre de défense ?? De son trou, il peut entendre nettement un avion atterrir sur le terrain, aménagé pour les Alliés. Une vingtaine de minutes plus tard, il l'entend redécoller et passer au-dessus de sa tête. Au bruit que fait le moteur, il ne doit pas s'agir d'un gros porteur, mais c'est rageant de constater que les Boches peuvent utiliser notre terrain, alors que, pour les Alliés, il n'était pas assez bien !!

Ces avions ennemis ne doivent pas venir, ni s'en retourner à vide. Ils doivent sûrement apporter des renforts et des munitions, puis évacuer leurs blessés graves. A en juger par les bruits qu'il perçoit, plusieurs avions du même type reviennent. Ils n'ont pas été longtemps partis et "CALVA" en entend deux qui redécollent, l'un derrière l'autre à environ cinq minutes d'intervalle.

Plus tard, il apprendra qu'en réalité, vingt-trois petits planeurs et deux gros se sont posés à VASSIEUX ce jour-là amenant une compagnie de l'OST LEGIONARE (Légionnaires de l'Est), une section de mortiers et une cinquantaine de soldats des troupes aéroportées tenues en réserve, des vivres et des munitions...

L'accroissement du nombre de soldats ennemis, le fait qu'ils soient reposés et prêts au combat, fait que les Boches se sentent en sécurité et justifie largement leur attitude décontractée. Ils parlent haut et fort, sans aucune retenue. D'un autre côté ces troupes vont pouvoir relever celles qui sont arrivées les premières, dont les hommes n'ont guère fermer l'œil depuis vendredi dernier et doivent être encore plus crevés que nous. "CALVA" en déduit une autre conséquence : Puisque nous n'avons pas pu déloger les Boches de la première vague, il ne sera sûrement plus possible de le faire maintenant, qu'ils ont reçu des renforts.

De temps à autre, des coups de feu isolés et éloignés parviennent à ses oreilles. Ce ne peut pas être des combats entre Maquisards et boches car cela ferait beaucoup plus de bruit. Il est à craindre que les hommes de l'OST LEGIONARE, venant d'arriver, ne fassent une chasse systématique à tous les malheureux civils qui se cachent dans les bois.

23 Juillet 1944 - Dimanche après-midi à VASSIEUX

Prés de la scierie MAGNAN, blotti dans son trou, "CALVA" est impatient. Le temps s'écoule lentement, trop lentement à son goût, il attend avec une certaine inquiétude que la nuit arrive. Il souffre de plus en plus de son genou. Il se rend compte en tâtant la partie blessée de la main, qu'il a beaucoup enflé. Malheureusement, il est dans l'impossibilité de le soigner.

Divague-t-il ? Ou a-t-il des hallucinations ? Toujours est-il qu'il lui semble entendre un troupeau de chevaux en marche. Le bruit s'amplifie puis s 'éteint complètement. Il n'entend plus rien !!

Il est vraiment convaincu qu'il commence à divaguer. Il meurt de soif et son estomac crie famine car il n'a rien avalé depuis la veille. De plus, une odeur douceâtre et persistante de pourriture et de brûlé lui soulève le cœur. Il se dit que ce doit être aussi inconfortable pour les Boches qui sont à la même enseigne.

Le jour baisse progressivement. Ce n'est pas encore la nuit. C'est à ce moment qu'il entend un remue-ménage sur la route du col. Ce sont les Boches qui reviennent. Pourquoi faire? Pourquoi sont-ils revenus? Cette question le turlupine ! Sans doute resserrent-ils leur dispositif défensif pour la nuit, afin de permettre aux hommes de la première vague de reprendre des forces en dormant tranquillement.

Malgré le fait que les Boches parlent à mi-voix, il lui semble qu'il ne sont que cinq ou six arrêtés sur la route. S'ils s'arrêtent là pour la nuit, cela ne va pas arranger les choses pour lui. La nuit tombant amène avec elle toutes les craintes. Et les hommes, qu'ils soient amis ou ennemis, ont la hantise des mauvaises surprises. Ainsi, les Boches craignent-ils que les Maquisards lancent une nouvelle attaque de nuit avec des effectifs plus importants ?! Ils se préparent à la repousser non loin de là où il se cache. D'une manière comme une autre, "CALVA" se voit coincé. Tout ses espoirs sont liés à la tombée de la nuit noire afin de pouvoir s'évader de sa cellule de roche. En effet, il a peur que la prolongation de sa position actuelle ne provoque sa découverte inopinée par les Boches. Il échafaude plan sur plan. Celui qui lui paraît avoir le plus de chances de réussir, c'est de sortir à la nuit noire en laissant sac, fusil et cartouchières dans le fond du trou, quitte à revenir les récupérer plus tard, lorsque les événements se seront calmés; de filer en profitant de la dépression parallèle à la route, en ne prenant que ses deux armes de poing et les deux grenades restées dans ses poches. S'il constate que tout va bien, il essayera de faire un crochet pour récupérer sa musette contenant la pharmacie du C12 qui, il l'espère, est toujours dans le buisson où il l'a planquée. Autrement, si la musette a disparu, il poursuivra jusqu'aux CHAPOTIERS pour récupérer quelque chose dans sa cantine. Encore faudrait-il que les Boches n'aient pas tout brûlé. Dans ce cas, il lui faudra s'en remettre à la grâce de Dieu et espérer que les copains pourront venir à son secours d'une manière ou d'une autre.

Nuit du 23 au 24 Juillet 1944

La nuit s'assombrit peu à peu; et devient de plus en plus noire, "CALVA" entend le chuchotement des sentinelles Allemandes qui discutent entre elles à voix basse. Il essaye de les situer toutes au son. C'est très difficile pour ne pas dire impossible. En analysant la situation, il décide que c'est encore trop tôt et trop risqué. Il faut attendre qu'une occasion se présente. Elle va peut être se présenter. En prévision de celle-ci, il enlève avec des précautions infinies, les pierres qu'il a accumulées pour camoufler l'entrée de son trou et tout doucement.... il s'extrait de sa prison. La première impression est que l'air est saturé d'une odeur écœurante de chair pourrie et brûlée comme à l'intérieur de son trou. Il avance un ou deux pas, heureux de se déplier mais anxieux. Il reste aux aguets en silence, essayant de situer les Allemands de garde. Il se rend bien vite à l'évidence que la défense ennemie s'est considérablement accrue, qu'elle est beaucoup plus dense que la veille. Il y a des types de partout. C'est ainsi que l'ancien trou qui servait de poste de combat à "FEND-LA-BISE" est à nouveau occupé, qu'un autre poste a été installé de l'autre côté de la route et que des éternuements répétés d'un Boche, lui laisse deviner la proximité de deux autres postes par derrière lui. Dans ces conditions, essayer de filer maintenant serait courir à une mort certaine; aussi, décide -t-il d'attendre un moment plus propice. Mais, se réintroduire dans sa cage est dangereux pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il a peur de s'endormir et de ronfler, puis, il y a un risque évident de faire rouler une pierre en réintégrant son trou, et, ainsi, d'attirer l'attention sur lui. Rester dehors présente aussi un autre danger, car, de temps à autre, les Allemands risquent de lancer des fusées éclairantes. Tapis dans l'obscurité, il assiste aux relèves qui ont lieu sur place. Deux dans chaque poste, l'un dormant et l'autre en surveillance, les Allemands se relayent toutes les deux heures environ. Ce sont des gars qui ont du métier et "CALVA" ne peut s'empêcher d'admirer la technique bien rodée de ces salopards. Ils sont tellement silencieux qu'ils sont extrêmement difficiles à repérer.

Côté des copains, aucun signe ! D'autre part, la lune commence à se dégager et de toute façon, le jour va bientôt poindre; à l'évidence, rien de déterminant ne paraît devoir se passer avant l'aube; aussi, la rage au cœur, "CALVA" se résout à réintégrer son trou à cause de la luminosité bleutée de la lune qui commence à permettre aux yeux de distinguer les formes. C'est vraiment une question de sécurité. Il est reparti pour un tour, pour une longue, très longue journée d'attente. Comme naguère en Normandie, "LE CHAT MAIGRE" "CALVA" s'efforce de rester calme et de prendre son mal en patience. Il replace les pierres pour obstruer sa cache. Il souffre de plus en plus et est très fatigué car il a lutté toute la nuit contre le sommeil; mais lui est interdit de s'endormir de peur de ronfler et d'indiquer ainsi sa présence. Est-ce le besoin de dormir, la faim la soif ou l'odeur qui font que, de plus en plus souvent, il a le cœur qui se soulève ??

AU COL DU ROUSSET :

Revenons aux Maquisards réunis au Col du ROUSSET. Dans la confusion qui suit l'ordre de dispersion, le C12 éclate en petits groupes de deux à cinq hommes. Plusieurs anciens Résistants rentrent chez eux croyant que c'est ce que l'Etat-major a décidé. "LA TORNADE" persuade "PARE CHOCS" et "LA LUNE" qu'il connaît un endroit dans le TRIEVES où ils pourront attendre des jours meilleurs en toute quiétude. Ils partent pour aller dans ce lieu de sécurité en passant par le PAS-DES-BERRIEVES. Ce PAS n'est pas la porte d'à côté et il y a les Bavarois. Certes, "LA TORNADE" assure qu'il connaît bien l'endroit et le chemin à suivre. Ils partent donc confiants, c'est le propre de la jeunesse d'être insouciante.

Après avoir dépassé la cabane du PLAY, ils descendent accompagnés par un berger vers le point d'eau qui se trouve au pied du PAS-DES-BERRIEVES. C'est à ce moment précis qu'une mitrailleuse, se démasquant, ouvre le feu sur le groupe. Trois hommes sur quatre sont touchés. Ils se replient aussitôt, mais "LA LUNE" est gravement atteint, une balle lui a perforé le foie. "PARE CHOCS" lui, a son mollet gauche entaillé par une balle ce n'est pas trop grave et le berger a reçu des éclats de pierre qui l'ont égratigné sans gravité. "LA TORNADE" en sort indemne.... Ils poursuivent leur repli en emmenant leur blessé grave. Ils l'allongent sur l'herbe à l'ombre d'un arbre. Le plus angoissant, c'est qu'ils sont dans l'impossibilité de le soigner et le transporter est hors de question, la raison est simple : Ils ignorent où il y a un poste de secours médical ! Il n'y a plus qu'un homme valide sur quatre. "PARE CHOCS" et le berger, légèrement atteint, reçoivent un pansement individuel chacun.

Le lendemain matin, au réveil, les copains du petit groupe ne peuvent que constater le décès de "LA LUNE" (Raymond BONJEAN, 20 ans) qui a dû mourir dans la nuit. Sans outil, ses compagnons de combat ne peuvent creuser de fosse pour l'ensevelir. Ils entassent des pierres sur son corps pour éviter qu'il ne soit attaqué par des animaux. Ils font une croix avec deux branches pour marquer le lieu. Raymond BONJEAN repose à GRENOBLE.

"LA TORNADE" attendra des jours meilleurs dans la région de VASSIEUX.

"PARE CHOCS" rejoindra le DIOIS où il sera hébergé par monsieur le maire de MONTLAUR-EN-DIOIS.

Raymond LAY, avec un camarade essayent de rejoindre le DIOIS. Malheureusement, à CHAMALOC, ils rencontreront une colonne ennemie montant vers le Col du ROUSSET. Elle ouvre le feu à la mitrailleuse sur eux. Raymond LAY atteint par une rafale, tombe. Son camarade réussit à s'enfuir et dans la nuit parvient à rejoindre une ferme où il est secouru. Le lendemain les habitants partent à la recherche de Raymond LAY, sans succès. Ils ne retrouveront son corps que quelques jours plus tard.

Quatre autres Maquisards du C12, partis se réfugier dans le DIOIS, tombent sur un barrage ennemi. "ATHOS" et "PORTHOS" arrivent à s'échapper et sont hébergés par des civils patriotes. Leurs camarades "TATAVE" (NADAL Ramis, 24 ans) blessé à SAINT-NIZIER et "BOURGUIGNON" (Marcel JANNERET) sont arrêtés à PONT-DE-QUART, torturés et fusillés. "TATAVE" repose pour toujours au Cimetière National de SAINT-NIZIER.

Lundi 24 Juillet - A l'aube

Dans son trou, "CALVA" est gelé. Il finit par souhaiter que le jour arrive vite, même si celui-ci est beaucoup plus dangereux pour lui. Petit à petit le jour s'étend sur le plateau et avec lui, les Boches parlent de plus en plus fort. Adieu l'espoir d'une contre-attaque des nôtres. Des allées et venues de bottes ennemies résonnent sur la route. Il suppose qu'enfin quelque chose va se passer ou, du moins, comme hier, les Boches vont avancer leurs positions pour permettre à leurs avions de parachuter le ravitaillement. Si seulement ils pouvaient mettre assez de jeu dans les mailles de leur dispositif pour qu'il puisse se barrer ! Il y a un grand silence, il n'entend plus rien ! Sont-ils partis ? Il n'ose pas encore sortir, cela lui paraît trop dangereux. Il risquerait de se trouver nez à nez avec eux, et, avec son genou qui est maintenant énorme, il n'aurait aucune chance car il craint fort de ne pouvoir courir.

Avec le soleil qui réapparaît, il se réchauffe, c'est déjà ça. Mais cela apporte un énorme inconvénient car une légère bise s'est levée en même temps. Elle apporte par vagues successives, directement de VASSIEUX, une odeur pestilentielle. Il est probable que le départ des Allemands vienne du fait qu'ils veulent échapper à cette horrible puanteur.

Les avions reviennent. Au bruit, il y a de gros porteurs en l'air. Puis c'est l'accalmie. A nouveau, c'est le bruit de moteurs de petits avions comme ceux d'hier dimanche, qui atterrissent et redécollent en passant au-dessus de sa tête. Nous sommes lundi et voici plus de deux jours qu'il n'a ni mangé, ni bu. Combien de temps cela va encore durer ??

Lundi 24 Juillet - Dans la journée

Dés le début de la matinée, le groupe de blessés secondé par le père et le fils TRIAL, se remet en marche. Evidement, malgré leur courage, ils se traînent. Ils viennent de passer une nuit de cauchemar, marchant avec peine, las, sous la pluie, exténués, trempés et transis. Ils ne se sont reposés que quelques instants sous un arbre.

Maintenant, ils marchent dans des taillis. C'est une marche particulièrement laborieuse. Brusquement, peu de temps après, ils tombent sur un chemin où ils rencontrent un paysan qui leur indique la route à suivre pour arriver à la ferme du MANDEMENT; là, monsieur et madame THOMAS leur donnent du lait. Après s'être reposés et avoir obtenus les renseignements nécessaires pour passer le Col de la MACHINE, nos courageux blessés repartent, clopin-clopant. Ils sont surpris par la nuit en plein bois et ils décident d'y dormir.

COL SAINT-ALEXIS :

Les Maquisards restant des C11-C12-C18 se trouvant au Col SAINT-ALEXIS avec "GRANGE", se remettent en route dans la direction de SAINT-AGNAN-EN-VERCORS. La veille au soir, les Allemands .se sont regroupés à VASSIEUX, ce qui a fait qu'avec ses gars il ne les a pas rencontrés. La colonne de Maquisards arrivent sans encombre à SAINT-AGNAN.

Là, par prudence, "GRANGE" décide de diviser sa troupe en deux colonnes. La première composée des gars du C11, part en direction des BARRAQUES.

La deuxième composée de gars du C11, C12 et C18 doit prendre la direction de LOSCENCE. Ces deux colonnes auront des destinées très différentes.

La première colonne, précédée par Atilio ALLOIS de PONT-EN-ROYANS, à vélo, se dirige donc vers LES BARRAQUES en longeant la VERNAISON. Au lieudit "CANARD" Atilio ALLOIS sur son vélo, tombe dans une embuscade tendue par les Fritz. Il est fauché par une rafale d'arme automatique. Brusquement, certainement alerté par radio, un avion intervient et mitraille la colonne. Robert CHATELARD, de PONT-EN-ROYANS, est mortellement touché. Il a les jambes presque complètement sectionnées par une rafale de balles explosives. En très peu de temps, il meurt, vidé de son sang, sans une plainte. Son camarade MARSEILLE n'a que le temps de lui faire ses adieux car il est lui-même mitraillé. Il essaye de rejoindre les autres dispersés par l'attaque. Enfin regroupés, les Maquisards se dirigent vers le PAS-DE-L'ALLIER en suivant l'ancien chemin menant à PONT-EN-ROYANS. Ils s'arrêtent le soir au PAS pour bivouaquer et dormir.

Plusieurs tenteront de traverser la VERNAISON à ECHEVIS, mais là encore ils tomberont sur un barrage Allemand et perdront un autre de leurs camarade appelé Jean-Paul DAMIEN.

La deuxième colonne, c'est à dire les gars du C11, C12 et C18, part une heure après de SAINT-AGNAN et traverse LA CHAPELLE sans rencontrer âme qui vive, prend la direction de LOSCENCE et s'arrête pour bivouaquer au COL-DE-CARRI.

Il était temps que les rescapés du COL-DU-ROUSSET passent dans la vallée ROUSSET-LA-CHAPELLE; car, dévalant des PAS, les chasseurs Bavarois sont dans l'après-midi à SAINT-AGNAN, aux ROCHAS et ont atteint le COL-DU-ROUSSET.

Comme en 1940, pour signaler à leur aviation la progression de leurs troupes, les Boches disposent et étalent à la pointe de leur avancée, de grands drapeaux rouges et noir frappés de la croix gammée. Ainsi, grâce à leur avion mouchard, le haut commandement Allemand sait à tout moment où en est arrivée l'attaque et sa progression en montagnes et forêts. C'est absolument nécessaire, car les obstacles naturels sont souvent la cause de "fading" dans les liaisons radios terrestres.

Renseigné presque jusqu'au bout par de courageux agents de liaison de l'avance ennemie ou par les différents P.C. reliés au réseau téléphonique, "HERVIEUX" échappe à la traque organisée par les troupes de répression. Il fait transmettre, aux premières heures de ce lundi 24 Juillet 1944, le message suivant :

"Défense VERCORS percée le 23 à 16 heures après lutte de 56 heures. Ai ordonné dispersion par petits groupes en vue de reprendre la lutte si possibilités. Tous ont fait courageusement leur devoir dans une lutte désespérée et portent la tristesse d'avoir dû céder sous le nombre et d'avoir été abandonnés seuls au moment du combat."
"HERVIEUX"

A VASSIEUX :

Les troupes aéroportées Boches du 21 Juillet 1944, renforcées par air le 23 dans la matinée et le soir par un petit détachement venu par le COL-DE-VASSIEUX, ont fait tâche d'huile autour de VASSIEUX. ils fouillent la campagne environnante, tuent sans pitié tous ce qu'ils rencontrent et pillent toutes les fermes avant de les brûler. La liste des martyrs de VASSIEUX s'allonge à chacune des sorties. Tous les petits hameaux sont visités, pillés et détruits par le feu.

Du trou où il se trouve encore, "CALVA" entend dans le matin tirer au canon. Au bruit, il sait que c'est un petit calibre, du 25 peut-être ? Mais comme le canon est assez prés de son trou, les départs claquent secs à ses oreilles. Il a l'impression que les Allemands canardent le COL-DE-LACHAU ou, en tout cas, dans cette direction. Ils ne tirent pas beaucoup d'obus, mais, sur quel objectif ? Puis, il entend une vive fusillade dans le lointain, ce qui l'empêche de la situer !

A nouveau, dans l'après-midi, il perçoit très distinctement un troupeau de chevaux, mais cette fois-ci, il sait qu'il ne rêve pas. Ils passent sur la route et se dirigent vers le COL SAINT-ALEXIS. Ils doivent traîner un ou deux tombereaux. Il peut bien y avoir sept à huit chevaux et plus d'une vingtaine d'hommes. Le convoi s'éloigne, puis plus rien, le calme complet dans la scierie MAGNAN. Il entend seulement un gros avion qui atterrit et redécolle.

Aucun changement jusqu'à la nuit qui arrive enfin. "CALVA" recommence la manœuvre de la veille : Enlever les pierres entassées devant son refuge avec beaucoup de précautions, se hisser hors du trou sans bruit. Sorti de sa cachette, il observe très attentivement les environs pendant de longues minutes. Il ne remarque rien, aucune présence de soldatesque, ce qui l'étonne et l'inquiète. Une inquiétude qui lui glisse à l'oreille qu'il doit y en avoir qu'il n'a pas vus. Il ne veut pas foncer tête baissée dans la gueule du loup.

Complètement ankylosé, il a du mal à se tenir debout et il est obligé, pour garder l'équilibre, de se cramponner à la paroi qui borde la faille dans laquelle se trouve son terrier. Il ne détecte rien, absolument rien; ne remarquant aucune présence. Avec beaucoup de précaution, il sort successivement son fusil, ses cartouchières et son sac. Après s'être harnaché, il commence à s'éloigner doucement. "LE CHAT MAIGRE" a repris le dessus. Maintenant qu'il est sorti de sa prison, il est dans l'obligation de réussir. Fusil à la main, il avance par petites étapes, s'arrête pour écouter et préparer le prochain déplacement en essayant de repérer le parcours. Heureusement la nuit n'est pas trop noire, ce qui lui permet de se repérer. Il est descendu dans la dépression, qui longe la route du COL, sur plus de cent mètres et il estime être à peu prés à la hauteur de l'endroit où il a planqué sa musette médicale. Il a l'impression de s'être un peu trop écarté de la route, ce qui l'oblige à continuer un peu. Il cherche un passage pour s'en rapprocher et éviter de traverser trop longtemps à découvert. Il réussit, traverse la route et se retrouve dans la zone des buissons qui se trouvait être bien plus éloignée qu'il ne le pensait. Arrivé à cet endroit est une chose, retrouver le buisson dans lequel il a planqué la musette en est une autre.

Planqué dans un creux derrière un gros buisson, il observe et explore du regard les environs afin de déceler si les Boches n'ont pas placé un poste de garde dans le coin. Heureusement, très vite, "CALVA" retrouve le buisson sous lequel il a caché sa musette médicale. C'est plus que du soulagement qu'il ressent, c'est de l'allégresse, il voit dans le fait de cette découverte, l'espoir d'une réussite complète de son aventure. En silence, il s'écarte aussitôt de la route et un peu plus loin, il décide de se reposer quelques minutes. Il examine longuement les environs dans la pénombre, constate avec anxiété qu'il est encore loin de la protection des bois. Il ne sera en sécurité que lorsqu'il aura pénétré très profondément dans ceux-ci.

Repartant, il essaie d'avancer plus rapidement. Son genou le gêne beaucoup. Bientôt il est obligé de s' arrêter. Il a repéré un poste de garde ennemi assez important avec une grande activité tout autour. Ce poste ne doit pas être le seul. Afin de l'éviter, il amorce un mouvement tournant. Après avoir erré dans la nature et dans la nuit noire, après s'être heurté plusieurs fois le genou, souffrant atrocement, il retrouve son ancien cantonnement. Il a la surprise de constater qu'il n'a pas brûlé. Il mesure le risque énorme qu'il va prendre en rentrant à l'intérieur du bâtiment, le peu de chance qu'il a de retrouver sa cantine intacte, mais il songe que la réserve d'alcool à 90° est dedans et comme il lui paraît indispensable de soigner son genou, il se décide à y pénétrer. Pour se faire, pendant un bon bout de temps, il observe les alentours, aux aguets. Ne remarquant rien, il pose son barda, se risque dans la maison, colt à la main droite et grenade prête à dégoupiller dans la main gauche. La baraque est vide. La cantine est toujours là. Il enfile dans ses poches quatre flacons d'alcool, passe dans la cuisine où il ne trouve qu'un petit bout de couenne de lard cru, sans doute oublié là par des cuistots. Craignant d'être surpris à l'intérieur, il ne reste pas une seconde de plus.

Récupérant vivement son barda, il file vers les bois où il finit par arriver. Il monte lentement se sentant soulagé, le cœur léger, il s'encourage lui-même. Il n'est pas encore sorti d'affaire, mais il s'est tiré d'un drôle de guêpier.

Après avoir longtemps lutté contre les buissons, dans la nuit la plus profonde, épuisé, "CALVA" s'installe sous un sapin bien garni et s'endort, lové dans sa couverture.

TERRAIN DE LA TRESORERIE

Au soir de ce 24 Juillet, l'aviation Alliée se décide enfin à bombarder le terrain d'aviation de la Trésorerie à CHABEUIL. La Résistance l'avait demandé tellement de fois, elle avait tellement supplié que beaucoup de patriotes n'y croyaient plus. De toute façon, celui-ci arrive beaucoup trop tard. Le résultat est pourtant intéressant, car une trentaine d'avion Allemands sont détruits au sol au cours de ce raid. Bien que plusieurs autres appareils n'aient pas été atteints, la Luftwaffe en a pris un bon coup; ce qui vient confirmer l'erreur des Alliés qui, au lieu de s'entêter à vouloir détruire les ponts et voies ferrées de la vallée du Rhône, auraient dû, en priorité, bombarder systématiquement les aérodromes et points de rassemblement des troupes ennemies maintes fois signalés par les patriotes.

Il est bien évident que si les Alliés avaient écoutés les Résistants, de nombreux Français auraient été épargnés par les bombes tant Alliées qu'Allemandes; moins d'avions Alliés auraient été abattus par la chasse Allemande et surtout, la Résistance Française n'aurait pas subit un revers aussi écrasant.

Malgré la garde très omniprésente montée par les Boches, la Résistance détruira avec succès, ponts et liaisons ferroviaires à un tel point que, fin juillet, le trafic-fer sera pratiquement inexistant, en particulier sur les lignes GRENOBLE-AIX EN PROVENCE et LIVRON-BRIANCON.

Durant cette journée, de nombreux Français seront victimes de la soldatesque Nazie. Cette dernière, afin de se protéger et d'effectuer le transport des munitions, oblige des civils à marcher devant elle, tirant sans autre motif que celui de se venger, sur des civils innocents.

Dans la nuit, des paysans venant de VASSIEUX avec leurs chevaux, sont arrivés à CHAMALOC. Les Allemands les autorisent à poursuivre jusqu'à MARIGNAC dont ils sont originaires pour la plupart. Au COL-DU-ROUSSET, ils ont été obligés de passer par le COL géographique, car le tunnel est impraticable ayant été dynamité par les gars de "GRANGE". Les Allemands occupent le COL-DU-ROUSSET. Venant de DIE, ils montent jusqu'au refuge de monsieur VITTOZ, avec des camions.

De nombreux groupements de Maquisards tentent de gagner des endroits plus calmes. Ainsi les Chasseurs Alpins du 12ème BCA essayent de rejoindre MONTMIRAL non loin de la forêt de THIVOLLET. Pour ce faire, ils franchissent, malgré les barrages ennemis, l'ISERE et les deux routes qui longent le fleuve. D'autres petits groupes de deux à dix Maquisards vont vers LE FAS ou SAINT-GERVAIS.

Après avoir marché en pleine nature, évitant tous les postes établis sur les hauteurs et sur les routes par les unités Allemandes, "JOSEPH" réussit à rejoindre SAINT-NAZAIRE-DU-DESERT le 28 juillet 1944 avec le major CAMMAERTS et son officier-radio. Il renouvelle sa demande de se rendre à ALGER pour y faire son rapport sur la situation dans les ALPES et la zone Sud. Il fait adresser le message suivant par radio :

"Ai quitté VERCORS violemment attaqué par forces très supérieures, environ deux divisions appuyées par aviation et artillerie. Par suite attaque débarquement planeurs et prise DIE, situation extrêmement délicate. "PAQUEBOT" et d'autres officiers disparus à la suite arrivés planeurs. Semblent avoir été tués. Suis passé Dimanche Sud Drôme où ai trouvé situation favorable. Chefs FFI très satisfaits, brillante conduite et organisation FTPF dans cette région.

En arrivant Basses-Alpes, ai appris chute "COLMARS". J'essaie joindre "PERPENDICULAIRE" dont j'ignore actuelle résidence. Situation VERCORS et chute "COLMARS" ont affaibli momentanément action éventuelle FFI sur route NAPOLEON qui reste cependant l'axe général sur lequel pouvons aider débarquement maximum : Troupe et chefs maudissent carence appui aviation, à l'exception admirable équipe parachutage et souhaitent débarquement prochain Sud. Continue à être désireux voyage aller-retour ALGER ou LONDRES. Envoyez-moi nouvelles VERCORS et "PERIMETRE""

"JOSEPH" parcourera la Drôme, les Hautes-Alpes, les Basses-Alpes, le Vaucluse à l'aide de moyens très divers, car il n'y a plus de trains qui circulent; il utilisera même une ambulance Allemande subtilisée à l'occupant, dans la ville de GAP.

Le 26 Juillet 1944, il prend contact avec "ARCHIDUC" (Capitaine Pierre-Michel RAYON) chef des services atterrissage et parachutage. Il apprend qu'il a obtenu l'accord pour se rendre à ALGER. Le 2 Août 1944, il embarque sur un lysander, pour la CORSE.

"BOB" rejoint l'Abbaye de VALCROISSANT à l'Est de DIE et "GEORGES", le COL-DE-L'AUPET, non loin du MONT-AIGUILLE, mais toutes les hauteurs sont tenues par les Chasseurs Bavarois et il doit se replier en direction du GLANDASSE.

MARDI 25 JUILLET 1944

Sous son sapin, malgré sa grande fatigue, "CALVA" a passé une mauvaise nuit, entrecoupée de réveils brusques et fréquents. De son genou blessé monte une douleur lancinante qui l'empêche de prendre un repos complet. Aussi, dés qu'il fait jour, il soigne sa blessure avec les moyens du bord. Son genou n'est pas beau à voir. Il se prépare à nettoyer la plaie. Après avoir étalé sa couverture sur le sol, il enlève son pantalon avec d'énormes difficultés car son genou est particulièrement enflé. Pour atténuer la douleur, il serre fortement la cuisse au-dessus du genou; désinfecte sa paire de ciseaux à l'alcool et brutalement, d'un coup sec, rouvre la plaie. Après un évanouissement dont il ne peut connaître la durée, regardant sa blessure, il constate qu'un morceau de grenade est resté dans la plaie. Coinçant le bout de grenade qui apparait avec la paire de ciseaux, il l'arrache assez facilement. Un magma de sang et de pus malodorant jaillit de la blessure et, à nouveau, il tourne de l'œil. A son nouveau réveil, il verse de l'alcool dans la plaie. Encore une fois il tombe "dans les pommes". Après avoir soigneusement nettoyé et pansé la plaie, il se bande fortement le genou.

Il n'est plus question d'enfiler son pantalon, car, avec le pansement, le genou a triplé de volume. "CALVA" se souvient alors qu'il a conservé son pantalon brûlé par une bombe incendiaire à VASSIEUX, lors du 14 juillet 1944.

De plus, la jambe brûlée est la même que celle de son genou blessé. Il coupe donc carrément celle-ci au-dessus du genou, la fend et peut ainsi l'enfiler.

Après avoir soigné son poignet blessé moins atteint, rangé son matériel, il suce et grignote son bout de couenne pour tromper sa faim. Puis, sac au dos, la musette par dessus, fusil à la main gauche et bâton dans l'autre, il monte lentement dans les bois en direction du COL-DU-ROUSSET. Chemin faisant, il trouve des fraises des bois. Il a tellement faim, qu'il s'arrête pour en manger. Très vite, il se rend compte que cela le retarde et n'apaise pas sa faim. Il repart mais doit faire des arrêts de plus en plus fréquents. Il a la gorge en feu tellement il a soif, de toute la journée, il ne rencontrera pas le moindre ruisseau, rien; absolument rien, pas même une "gouttaille" !

Au début de la matinée, il a entendu deux coups de feu venant du côté du col SAINT-ALEXIS. Juste après midi, une vive et intense fusillade du côté du hameau de LA MURE. Lui est toujours dans sa solitude douloureuse.

Que sont devenus les copains ?

Au lever du jour la colonne qui regroupe C11, C12 et C18 quitte le COL-DU-CARRY, se dirigeant vers le COL-DE-LA-ROCHETTE. Au COL,"CHARVIER" (Marc COQUELIN) et son C15 retrouvent les gars du C12 et C18 qui se joignent à eux.

Le C11 seul poursuit sa route vers les gorges de LA LYONNE et s'arrête prés de l'usine électrique, caché dans les buis. Puis ils repartent vers le PAS-DE-L'ALLIER où ils planquent les armes lourdes afin d'être plus mobiles. Ils se dirigent vers CHATHELUS, s'y ravitaillent en pain, mais ne peuvent continuer, ni en direction de CHORANGE, ni PONT-EN-ROYANS, les Allemands patrouillant partout. Ils se replient donc vers VEZOR, au-dessus des gorges de LA BOURNE où ils y passent la nuit.

D'un autre côté, poursuivant leur calvaire, après bien des efforts, soutenus par les TRIAL, les premiers blessés rescapés de la grotte de LA LUIRE, arrivent au COL-DE-LA-MACHINE. Pour rejoindre la vallée de l'ISERE, ils espéraient passer par COMBE-LAVAL, mais ne peuvent continuer par là. Ils envisagent, pour arriver à ROMANS, de passer soit par SAINT-THOMAS-EN-ROYANS, soit par ROCHECHINARD puis HOSTUN. Mais comme le Maquis a fait sauter la route, ils doivent, la mort dans l'âme, se diriger vers le COL-DE-L'ECHARASSON. Chemin faisant, ils rencontrent une ferme et apprennent qu'elle a hébergé le PC de "FAYARD".

Ayant pu se restaurer un peu, ils repartent et arrivent dans une autre ferme. Ils y trouvent un stock d'armes très important qui a été abandonné par les gars du 14ème BCA. Un paysan leur indique la route à suivre pour éviter de pénétrer dans SAINT-JEAN-EN-ROYANS, infesté de Fridolins et leur indique comment gagner la montagne de MUSAN. Marchant longuement, sans arrêt, ils parviennent au petit jour non loin d'HOSTUN et s'arrêtent pour se reposer.

Partis la veille au soir du COL-DE-L'AUPET, les hommes de "GEORGES" atteignent LA-TETE-DES-BEAUMIERS, très tôt le lendemain matin. Ils repartent le soir vers LA-CROIX-DU-LAUTARET, dans le but de rejoindre le TRIEVES par le COL-DU-MENEE.

De l'Abbaye de VALCROISSANT, "BOB" et ses hommes se dirigent vers le Cirque d'ARCHIANE.

La porte des PETITS-GOULETS et le pont à l'entrée des gorges de LA BOURNE avaient été minés dans l'éventualité d'une destruction. Le groupe HERVOCHON, qui est en position entre SAINTE-EULALIE et ECHEVIS, reçoit l'ordre de faire sauter la route des PETITS-GOULETS. C'est Robert ESCOFFIER qui se charge de la mise à feu. Les artificiers s'éloignent de l'objectif et surveillent à distance si l'explosion s'effectue correctement. Mission accomplie, ils se retirent vers les BARRAQUES, ignorant totalement que le village est déjà occupé par les Boches. Heureusement, ils sont arrêtés par un civil qui les prévient que l'ennemi est partout et qu'il serait déraisonnable de continuer à se diriger dans cette direction. Par prudence, ils font demi-tour et s'en vont rejoindre à PONT-EN-ROYANS, des camarades commandés par le capitaine "ABEL" (CROUAU).

Lorsqu'ils reçoivent l'ordre de faire sauter le pont permettant l'accès aux gorges de LA BOURNE, la mèche lente s'éteint à plusieurs reprises. A la suite de pluies incessantes, elle a pris l'humidité et il faut la rallumer. Finalement, ils y réussissent et se replient dans le soir. Ils effectuent une longue et épuisante marche pour arriver à PRESLES où ils établissent leur campement pour le reste de la nuit.

Les Allemands, toujours très actifs, risquent même des patrouilles dans la forêt de LENTE, cherchant les Patriotes. Ils assent très prés des Maquisards de BOURGEOIS et des Sénégalais d'Yves MOINE qui protègent le PC de THIVOLLET prés de la source DU RIMET, mais qui ont reçu comme consigne de ne tirer qu'en cas de danger immédiat. Ce sera une fausse alerte.

A VASSIEUX :

Au milieu de la matinée, les troupes aéroportées Allemandes font mouvement en direction de LA CHAPELLE. Elles ont reçu d'autres renforts venus par le COL-DU-ROUSSET. En effet, les camions ennemis venant de DIE, peuvent monter jusqu'au col sans être inquiétés et rien ne peut plus les arrêter.

Déployés en tirailleurs, les Allemands ratissent le plateau, ne rencontrant plus aucune résistance. Ils exercent la même sauvagerie que celle qu'ils ont démontrés à VASSIEUX, le 21 juillet et les jours précédents. Ils tirent sur tout être humain, abattent sans aucune distinction, hommes, femmes et enfants de tous âge, jeunes ou vieux. Ils brûlent toutes les habitations, que ce soit des fermes, des hangars, remises ou de simples cabanes de bergers se trouvant sur leur passage, à la CROIX-DES-GRIFFES, à la CIME-DU-MAS, aux AUBANNEAUX ou AUX DREVETS.

A LA CHAPELLE :

Ils investissent LA CHAPELLE, et sèment la terreur parmi la population déjà tellement éprouvée. Ils sont rejoints par les Chasseurs Autrichiens et Bavarois de la 157ème Division Alpine qui déferlent par les PAS. Ils ont tous reçu les mêmes ordres du Général PFLAUM : Exercer une répression à outrance sur la population afin de la terroriser et la dissuader d'aider la Résistance. On saura par la suite que la soldatesque Teutonne a très largement appliqué ces ordres, jusqu'à les dépasser.

Au village, l'officier responsable des opérations fait rassembler toute population sur la place où se trouve la fontaine. Il menace de mort l'ensemble des habitants si les dépôts d'armes ne lui sont pas signalés. Monsieur le Maire Elie REVOL ainsi que monsieur le Curé PITAVY sont obligés d'accompagner les Boches qui fouillent les maisons. Ils profitent de la fouille pour piller et voler tout ce qui peut les intéresser notamment tout ce qui peut être bu.

Suivant la rivière LA VERNAISON, les soudards venus de VASSIEUX continuent leur progression par les routes Nord vers LES BARRAQUES. Ils tuent et brûlent. Ils passent aux MERCIERS, arrivent à TOURTES où ils brûlent la maison de "LOULOU" (BOUCHIER). C'est à TOURTES qu'ils font la jonction avec les troupes venant de SAINT-MARTIN et d'HERBOUILLY qui ont utilisé toutes les routes, voies d'accès, chemins et pistes qu'ils ont pu trouver pour faciliter leur progression.

De LA CHAPELLE, comme poste de commandement, ils ratissent les environs en partant, soit de la grand' route, soit par celle qui passe à LA JARJATTE. Ils fouillent toutes les fermes et les moindres hameaux. Ils laissent pour mort devant sa ferme en feu, un fermier des PELAILLONS, monsieur Robert MALSAND après l'avoir criblé de balles. Transporté dans les bois par son père, il survivra à ses multiples blessures et sauvé par des médecins courageux de VILLARS-DE-LANS qui le soigneront au péril de leur vie et le firent transporter à LYON. Où ce vaillant Résistant de la compagnie de LA CHAPELLE, se remettra petit à petit et par miracle dans deux hôpitaux successifs.

A la suite de leur mission punitive, revenant à LA CHAPELLE, les Allemands fêtent leur victoire sur de simples civils innocents. Ils ont pillé toutes les caves et font ripaille. Les habitants rassemblés sur la place sont scindés en trois groupes. Ils enferment dans l'école le premier groupe composé des femmes et des enfants. Comme pour le premier, le second groupe comprenant les hommes d'âge mur est lui aussi bouclé dans une autre salle de l'école. Quant au troisième, ils le gardent sur la place. Ce dernier ne comprend que des jeunes hommes que les tortionnaires ont pris en otages. Le curé PITAVY va trouver l'officier responsable afin d'implorer sa pitié pour la population innocente; mais celui-ci, complètement ivre, donne l'ordre à ses hommes de brûler le village. Tout autant ivres de haine que de libations ils vont fêter leur victoire. Dés qu'ils en ont reçu l'ordre, ils lancent des bombes incendiaires dans les maisons qui brûlent comme des allumettes en illuminant la nuit.

Il y a seize jeunes hommes en otages dans le troisième groupe. Ils sont emmenés dans la cour qui est adjacente à la ferme de monsieur Paul AUBERT, proche de l'école où sont enfermés les autres civils. L'Oberleutnant, plus ivre que jamais, se tient debout sur le perron de l'escalier situé au fond de la cour. Il fait tourner devant lui les malheureux otages. Lorsqu'ils passent à s hauteur, il les abat au colt les uns après les autres, laissant ses soldats les achever à la mitraillette en tirant au jugé dans le tas. Pour parachever le massacre, ils se retirent en lançant des grenades.

Le lendemain matin, les incendies continuent à certains endroits. Ils ne sont pas encore tous éteints. Cent soixante maisons sur deux cent, sont détruites. Monsieur le Maire et le curé PITAVY, ainsi que quelques hommes, constatant qu'ils ne sont plus gardés, se risquent à sortir et découvrent l'horrible forfait des Nazis, l'affreux carnage de ces adolescents. Monsieur CHABERT a la douleur de découvrir son fils de 17 ans parmi les seize martyrs. Mais là ne s'arrête pas le massacre, avant de quitter les lieux, les Nazis fusillent, apparemment sans aucun motif si ce n'est leur âge, deux autres jeunes hommes.

Dans le but de briser à jamais les reins de la Résistance, l'ignoble soldatesque applique à la lettre les consignes qui lui ont été données. Ces dernières ne sont que le prétexte à des excès de sauvagerie immonde :

- Semer la terreur dans la population pour l'inciter à ne venir en aucune façon en aide aux Résistants.
- Priver le Maquis de Combattants éventuels en fusillant tous les hommes susceptibles de porter les armes, même âgés.
- Détruire les fermes, surtout isolées, où les combattants peuvent se ravitailler.

Car il s'agit bien de les affamer pour les obliger de sortir des bois afin de les faire tomber dans les embuscades qui leur sont tendues un peu partout. Pour parfaire ce plan, tous les bestiaux sont regroupés et dirigés vers les vallées. Nombre d'entre eux mourront de faim à GRENOBLE.

Après le débarquement du 6 Juin 1944 en NORMANDIE, une quantité de jeunes Français, galvanisés par cet événement comme la plupart de leurs concitoyens, sont montés au VERCORS. Ils étaient persuadés que la guerre serait bientôt finie et que ce n'était plus qu'une question de jours. Ils n'ont pas connu pour la plupart, les privations et l'isolement, comme les vieux "MAQUISARDS" endurcis par plusieurs mois de lutte clandestine. Jusqu'au début de ce mois de Juin 1944, ils ont eu une vie relativement facile; aussi, se voient-ils pris au piège et ils n'ont qu'une idée en tête, fuir; fuir au plus vite l'enfer dans lequel ils sont tombés, et ceci au mépris du danger qui les guette. De plus, étant tous de la région, ils seront beaucoup plus tentés de rejoindre leur famille. Beaucoup, avec imprudence, vont se jeter dans les embuscades tendues par les Allemands. C'est ainsi qu'ils seront la proie facile d'un ennemi rusé et impitoyable.

Par contre, les Maquisards qui resteront groupés en forêt, comme naguère dans les camps, souffriront beaucoup de la faim et de la soif, mais auront des pertes minimes.

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